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Un pasteur contre le racisme

 

Le nom de Georges Mabille n’est pas célèbre pour celles et ceux qui ne connaissent que les grandes lignes de l’apartheid. Et pourtant, il s’est battu toute sa vie pour faire reconnaître que « Blancs et Noirs sont égaux devant Dieu ». Son histoire a toute sa place dans la collection de l’éditeur Ampelos des figures protestantes qui ont fait de leur vie une résistance. On pourrait dire que sa vie est un roman.

Georges Mabille naît en Afrique en 1909, au Lesotho. Il vit dans une famille de missionnaires protestants français accueillis dans cette enclave indépendante de l’Afrique du Sud au XIXe siècle. Sa terre est africaine, il parle le sésotho et il demandera à faire enterrer ses cendres dans le village où il est né, à côté de ses ancêtres. Après des études en France, il décide d’être « pasteur-missionnaire » et il retourne au Lesotho au début des années 1930, envoyé par la Société des missions évangéliques de Paris. Il est mobilisé en 1939, fait prisonnier en 1940, libéré il devient aumônier militaire dans les Forces françaises, en Afrique du Nord, à Marseille, dans l’est de la France jusqu’à Stuttgart. Après une année à Bamako, il arrive en Afrique du Sud en 1946, deux ans avant l’instauration officielle d’un système de ségrégation raciale (l’apartheid) par Daniel François Malan. Il faut rappeler que ce dernier comme beaucoup d’autres est un descendant de huguenots protestants français qui fuyaient la répression religieuse…

Les convictions de Georges Mabille dépassaient le cadre de l’apartheid. Il s’est battu toute sa vie pour annoncer un Évangile libérateur qui abolit la couleur de la peau. Lors d’une réunion en Afrique du Nord, il s’oppose à des missionnaires américains qui voulaient appliquer la ségrégation qui s’appliquait dans leur pays. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, il incitait « les Églises européennes à accompagner les indépendances africaines ». Georges Mabille jugeait « qu’il était impensable d’envisager que le chrétien puisse être raciste ». Or, il avait une expérience concrète de la façon dont les « personnes de couleur » étaient traitées. Ses prédications et ses écrits s’ancraient dans des situations vécues. Georges Mabille fait part très tôt de la situation aux autorités des Églises européennes au début hésitantes. Sa lutte contre l’iniquité devait avoir le soutien du plus grand nombre. Il rapporte ce qu’il voit, il décrit la violence, la cruauté, la misère.

Dès 1948 il co-fonde « un camp retranché », le centre œcuménique de Wilgespruit près de Johannesburg, pour grouper « sur un pied d’égalité toutes les races et toutes les Églises ». Ce centre connaîtra les pires exactions des autorités (perquisitions, arrestations, tortures), d’autant plus qu’il permettait de former des militants.

Georges Mabille est envoyé à Dakar en 1957 et exerce des responsabilités diverses jusqu’à sa retraite en France. « Georges Mabille [reste] un infatigable messager du Christ et toujours un farouche opposant à l’apartheid ». Mort en 1998, il aura connu le processus de réconciliation « qu’il n’a jamais cessé de prêcher ».

Merci à Gilles Teulié, professeur d’université, d’avoir si bien synthétisé les archives du DEFAP (Département évangélique français d’action apostolique, service protestant de mission) et les entretiens avec les proches de Georges Mabille pour rendre compte de son combat éthique chrétien. u Olivier Guivarch

 Gilles Teulié, Georges Mabille, un pasteur contre l’apartheid, Paris, Ampelos, 2022, 139 pages.

 

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À propos Olivier Guivarch

est secrétaire national d’une fédération syndicale de salariés, après avoir étudié la théologie protestante et exercé le métier de libraire. Il participe au comité de rédaction depuis 2004.

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