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« Veilleur, où en est la nuit ? » (Ésaïe 22,11)

 

Dans le contexte du prophète, on imagine les remparts d’une ville sur lesquels des sentinelles veillent. Ces sentinelles veillent à la protection des personnes qui vivent à l’intérieur, en faisant attention à ce que d’éventuels ennemis ne profitent pas de la complicité de la nuit pour venir les attaquer, comme ils veillent sur l’arrivée du jour qui pointe à l’aurore.

 Quand il fait jour, on ne pense pas que la nuit va arriver. Mais quand il fait nuit, on se demande toujours si le jour va revenir. Alors on l’attend et on scrute l’horizon. C’est toujours la nuit que les heures paraissent les plus longues.

 Le jour symbolise ce qui va bien dans nos vies : la santé, les amours, le travail, les différents engagements, la prospérité, la reconnaissance de ce que nous sommes, l’inclusion dans la société sans se sentir inquiétés.

 La nuit, synonyme des ténèbres, symbolise au contraire les épreuves, les soucis, le danger, l’adversité, l’angoisse, l’exclusion, la négation de ce que nous sommes, l’attente interminable, celle qui fait douter de tout, jusqu’à parfois nous mettre à terre, en se demandant si l’on pourra se relever.

 Il y a quantité de situations dans notre monde, aujourd’hui, qui rappellent que nous sommes dans une nuit qui n’en finit pas : la guerre, et pas seulement en Ukraine, les réfugiés qui essaient de trouver un asile dans notre pays, mais dont les habitations de fortune sont régulièrement démantelées, le conservatisme politique qui spolie lentement mais sûrement le droit des femmes, l’obscurantisme religieux qui attise les crispations identitaires, et les réseaux sociaux qui jettent de l’huile sur le feu des relations humaines déjà très endommagées. Au milieu de ces cieux chargés en nuages de plus en plus menaçants, qui plongent trop de personnes dans le désespoir et l’oubli de l’indifférence, s’organise une force de résistance, invisible, qu’on appelle le libéralisme, et dont Évangile et Liberté veut être le relais. Ce libéralisme-là rappelle que nombreux sont celles et ceux qui s’engagent, comme veilleurs, veilleuses, et scrutent inlassablement le jour qui naît. Ils font confiance à une parole qui affirme qu’au-delà des situations les plus douloureuses, de situations difficiles à porter, au-delà de la science, même si elle n’est pas incompatible avec la foi, il y a ce regard favorable, ce regard d’amour de Dieu posé sur chacun et chacune de nous, qui donne du prix à nos vies et nous accueille chacun, chacune, comme digne de confiance.

 Veilleur, où en est la nuit ? Je n’ai pas la réponse. Mais j’aime bien que cette question soit posée, comme me disait un ami récemment disparu. Au fond c’est à chacun, chacune de répondre. Mais si d’aventure, le mot amour est le qualificatif du Dieu en qui nous croyons, dans le sens d’un amour absolu, inconditionnel et sans contrepartie, alors, c’est la qualité de cet amour-là, accordé à chacun, chacune, qui permettra de tout reconstruire, même à partir de rien, comme au début du monde. Notre mensuel veut être, à sa juste mesure, l’écho de cette espérance : « Je vis de nouveaux cieux, et une nouvelle terre ». (Ap 21,1)

 

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À propos Agnès Adeline

est pasteure de l’Église protestante unie de France à Paris (Oratoire), et aumônier à la Maison d’arrêt de Paris la Santé

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