Faut-il avoir un vote stratégique aux élections ? Le vote « stratégique » consiste à voter pour un candidat avec lequel on n’est pas d’accord pour obtenir un résultat qu’on désirerait. Quand on est de droite, aller voter à la primaire du PS en 2017, faire élire le candidat le plus à gauche car on pense qu’il aura moins de chance dans l’élection. Quand on est de gauche, voter Valérie Pécresse car on pense qu’elle a le plus de chance de battre le président de la République et retrouver « le bon vieux clivage droite-gauche ».
Le vote stratégique nous choque car nous partageons l’idée qu’un vote exprime une conviction. La sincérité est une qualité que nous valorisons dans le champ politique. La preuve en est qu’un politicien à l’hypocrisie trop visible est stigmatisé.
Cette attitude n’est-elle pas le reliquat d’une conception passée, celle d’une politique à laquelle on croit ? Être de droite parce que l’on désirait préserver un ordre naturel voulu par Dieu ; de gauche car on espérait l’avènement d’un monde de justice et de paix, forme laïcisée du Royaume, dans une attitude prophétique s’incarnant dans le prolétariat.
Les deux camps ont abandonné cette religiosité. Les dirigeants font des choix d’intérêt qu’ils habillent de convictions. L’État est géré de manière rationalisée. Alors pourquoi le vote échapperait-il à cette sécularisation ? Première raison : lorsqu’une réalité évolue dans un sens, on n’est pas obligé de valider cette évolution ; un comportement même minoritaire peut participer à un futur retournement ; avoir un comportement qui exprime une protestation a aussi un sens.
Deuxième raison. Le vote stratégique – sauf quand il est organisé comme l’appel des partisans de Chirac à voter Mitterrand en 1981 – marche rarement : dans un vote, il y a trop d’impondérables, de choix individuels avec des rationalités divergentes.
Et donc au bout du compte le choix le plus rationnel est de voter… pour ses convictions. Et une vie qui ne serait que rationnelle, c’est bien triste.
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