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Raphaël Picon : l’homme en quête de Dieu

 

Lorsque la mort d’un ami vous frappe comme une gifle de la vie, vous vous posez plein de questions. Pire, vous avez du mal à revenir « avec les autres », avec celles et ceux qui déambulent sur les boulevards comme si de rien n’était. C’est cela que j’ai vécu en janvier 2016. Si je commence cette introduction à la théologie de Raphaël Picon comme cela, c’est que je ne pourrai jamais distinguer l’ami du théologien, tant sa pensée forte et puissante était chez lui aussi une manière de vivre. Il a même montré jusqu’au bout que c’était une manière de mourir, c’est-à-dire de vivre jusqu’au bout, même quand on sait que tout va se finir bientôt. Son livre de chevet, Le courage d’être, de Paul Tillich, est l’illustration parfaite de cette cohérence : une pensée rationnelle et flamboyante et une densité de vie extraordinaire.

Complices, nous l’étions aussi en théologie ! Parfait connaisseur des théologies du process, que je cherche à promouvoir, il avait cette approche bilingue franco-américaine qui rendait fluides sa pensée et ses intuitions. Laurent Gagnebin, son complice (et ami) académique de toujours, nous fait entrer dans le cheminement de cette pensée toujours novatrice. Il nous en montre les évolutions, les questionnements, les révoltes, les « insoumissions ». On ne peut pas, nous rappelle-t-il, penser Dieu sans penser l’être humain. L’un ne se déduit pas de l’autre, mais l’un et l’autre se conjuguent dans un devenir permanent (un « process »). Comment transcender notre quotidien ? Comment le rendre spirituel en toute circonstance ? Raphaël écrivit ce merveilleux livre sur Emerson en le titrant Le sublime ordinaire. Ce titre est plus qu’un titre, c’est une éthique, c’est une spiritualité, c’est une théologie !

La symphonie de Raphaël était encore en chantier. Elle nous parvient aujourd’hui comme une œuvre inachevée. De toute façon, il aurait détesté « achever » une œuvre, car le devenir est toujours plus puissant que la permanence, la fulgurance toujours plus parlante que le dogme. Il l’a pensée, il l’a vécue, il l’a incarnée… jusqu’au bout !

Au-delà de l’homme, sa pensée nous interroge sans cesse : que dire de Dieu en sachant, comme il aimait à le répéter, que « toute théologie est un discours humain sur Dieu, et non un discours de Dieu ou sur la place de Dieu » ? L’audace de nos intuitions ne doit pas nous écarter de cette qualité première de toute théologie : l’humilité fondamentale. Cela nous questionne aussi sur notre monde : comment sortir des postures arrogantes qui nous guettent tous ? Comment éviter ces polémiques stériles pour retrouver le sens de l’humain ? Penser Dieu humblement, c’est aussi penser l’être humain humblement. Mais aussi lui redonner sa juste et sa très belle place : être et demeurer, jusqu’au bout, un chercheur invétéré, infatigable, que rien n’arrête, pas même la mort.

À lire l’article de Laurent Gagnebin «  Dieu transcendant et insoumis, selon Raphaël Picon « 

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À propos Jean-Marie de Bourqueney

est pasteur de l’Église protestante unie. Il est actuellement à Paris-Batignolles. Il est notamment intéressé par le dialogue interreligieux et par la théologie du Process.

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