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L’évangile du dialogue

 

Voici un livre non conventionnel, tant par l’écriture que sur le fond. L’auteur, Jean Dumas, pasteur de l’Église protestante unie de France, anciennement Église réformée de France, certes à la retraite mais témoin discret et tenace, choisit de revisiter pour nous l’évangile de Jean, son évangile de prédilection.

Parce que pour lui, l’évangile de Jean est l’évangile du dialogue, alors Jean Dumas invite ses lecteurs à son propre tête-à-tête théologique intérieur. Pour le rendre accessible à tout un chacun, l’auteur se risque à une correspondance fictive et virtuelle jouissive avec l’auteur présumé de cet évangile. Les deux « Jean » celui de la Paillette, résidence concrète de l’auteur, et celui du « Ciel », résidence imaginaire, entrent en dialogue, un peu crispé au début, chacun restant sur ses positions, en particulier l’évangéliste, qui donne l’impression de ne pas avoir l’habitude d’être poussé dans ses retranchements.

Au fur et à mesure que le « courrier » prend sa vitesse de croisière, la relation se détend, la confiance entre le destinataire et l’expéditeur s’installe, et nous devenons alors les témoins d’une émouvante amitié épistolaire électronique. Ce qui motive Jean Dumas dans son écriture, c’est d’abord sa propre prise de conscience en tant que croyant, mais aussi comme pasteur longtemps engagé dans les dialogues œcuméniques et interreligieux, du fait qu’on ne peut plus penser un christianisme « qui serait le centre autour duquel les autres religions formeraient un cercle », comme il l’indique dans son premier chapitre. Il y a certaines affirmations contenues dans l’évangile de Jean qui ne peuvent plus se comprendre de la même façon qu’autrefois.

Les échanges entre les deux « Jean » sont au nombre de 10. Ils correspondent à certains passages précis de l’évangile. Ils s’échelonnent entre Noël et l’Ascension, suggérant ainsi une symbolique de la « naissance » jusqu’à la « vie sans fin ». Les notes explicatives données à la fin du livre sont précieuses. L’auteur cite toutes ses sources théologiques et invite le lecteur à élargir ses connaissances, en donnant ses interprétations de lectures.

Un chapitre spécial intitulé La Parole et le Souffle rappelle qu’il est devenu indispensable de se défaire des habitudes de lecture traditionnelles pour se frayer de nouveaux chemins de compréhension afin de rendre le christianisme et le message évangélique crédibles pour le monde d’aujourd’hui. Pour cela, Jean Dumas souligne qu’il faut le courage d’aller jusqu’au bout de sa propre pensée théologique, d’y mêler sans appréhension la raison et l’humanité de sa recherche personnelle, d’oser affronter ses propres contradictions, mais aussi celles du texte biblique. Tout simplement parce qu’il est indispensable de tenir compte du contexte dans lequel cet évangile a été écrit, pour mieux comprendre les limites de la rédaction, mais aussi l’élargissement de la pensée de son auteur.

Jean Dumas nous livre une fois encore un ouvrage particulièrement édifiant et un témoignage personnel profondément inspiré, ouvrant le lecteur à une liberté de lecture permettant de renouveler la compréhension de cet évangile spirituel, parfois hermétique, mais aussi d’en renouveler sa prédication, si jamais il est engagé en Église. En ces temps obscurs, un cadeau lumineux.

Jean Dumas, Jean, explique-moi ton évangile, Condé sur Noireau, L’Harmattan, 2021, 187 pages.

 

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À propos Agnès Adeline

est pasteure de l’Église protestante unie de France à Paris (Oratoire), et aumônier à la Maison d’arrêt de Paris la Santé

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