C’est une petite musique à laquelle nous sommes habitués, tout particulièrement en France : être protestant, ce serait participer à tous les combats sociétaux dans le sens de la résistance à l’ordre établi, se dresser contre les injustices et, en somme, combattre pour les plus faibles. Le dossier de ce mois, que nous devons à la plume de Gilles Teulié, nous en apporte un cinglant démenti : en Afrique du Sud, durant près de deux siècles, ce sont des réformés (dont des descendants de protestants français) qui furent les principaux défenseurs du régime d’apartheid. C’est même un pasteur calviniste (et libéral !), Daniel-François Malan, qui était premier ministre de l’Union sud-africaine au moment où celle-ci instaura officiellement le régime d’apartheid. Même en France, il y eut des protestants, dont des théologiens, pour soutenir le régime et diffuser l’argumentaire des pasteurs calvinistes pro apartheid. Si on peut tirer un enseignement de tout cela, c’est que notre mythologie protestante peut être trompeuse et nous égarer gravement. On se souviendra à cet égard de l’évocation de Marie Durand dans un discours du premier ministre sud-africain Pieter Willem Botha, en 1988, qui comparait la résistance de l’Afrique du Sud face aux sanctions de la communauté internationale à celle des huguenots devant les dragons de Louis XIV ! Oui, pour bien des calvinistes d’Afrique du Sud, défendre l’apartheid, c’était résister aux pressions internationales et lutter contre une injustice : celle faite aux Afrikaners. La résistance n’est pas un principe éthique – du moins si elle ne s’accompagne pas d’une vigilance au sort de tous nos semblables. On a ainsi beaucoup parlé, ces derniers mois, de « résistance » à l’instauration d’un passe sanitaire que l’on n’a pas hésité, parfois, à comparer à l’apartheid. Or, ce qui est ici frappant, c’est que l’argumentaire des anti passe sanitaire ressemble à s’y méprendre à celui des défenseurs de l’apartheid, soucieux, eux aussi, de « résister » à un ordre établi jugé injuste. Mais dans les deux cas, on a oublié l’essentiel : résister n’a de sens que si c’est pour le bien de tous mes prochains – et pas seulement de ceux qui pensent comme moi ou de ceux qui me ressemblent
À lire l’article de Gilles Teulié » La Bible à l’épreuve de la haine «
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