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Distinguer l’histoire du religieux

 

La pluralité et la complexité des formes religieuses de l’Islam rendent périlleuse une séparation simpliste entre courants orthodoxes et libéraux. Les sunnites et les chiites se considèrent comme orthodoxes, considérant l’autre groupe comme hétérodoxe. Selon les périodes historiques et la géographie, il n’y a pas un sunnisme ou un chiisme. L’Islam, allant de la Mauritanie jusqu’en Indonésie, ne peut être que pluriel. Tout au long de l’histoire, les échanges herméneutiques ont créé des rapprochements et des éloignements, aussi bien entre les deux grandes familles qu’au sein de chacune. La richesse des interprétations ne peut pas se résumer à l’opposition entre une orthodoxie et une hétérodoxie.

On compte bien sûr aussi, parmi ces divisions, les partisans d’un Islam violent et idéologisé. Ce n’est pas un phénomène nouveau. Sa variante présente inquiète aujourd’hui les pays occidentaux, et tout autant sinon plus les pays musulmans. L’élément doctrinal n’est dans ce domaine qu’un vernis. C’est une simple instrumentalisation du religieux, comme toutes les religions en connaissent. Il est vrai qu’en Islam, les textes et l’histoire permettent cette récupération. Je crois que c’est une erreur de chercher uniquement des causes religieuses à la violence de l’Islam idéologique. Les éléments géopolitiques sont au moins aussi importants ; les grandes puissances, les marchands d’armes, les grands centres financiers ont joué un rôle important dans la fabrication même de ce qu’on appelle l’islamisme. Il y a soixante ans, que représentait l’islamisme ? Presque rien.

Ésotéristes, spiritualistes et littéralistes ont toujours cœxisté tout comme des courants intransigeants et violents. Ces derniers émergent presque toujours dans les moments de graves crises historiques, lorsque les dangers apparents font que les positions se raidissent – par exemple, lors des croisades ou de l’invasion mongole, qui a été perçue comme une apocalypse dans l’Islam oriental. On n’est pas ici dans le registre religieux, mais dans celui de l’histoire et de ses aléas.

Ce texte est issu d’un entretien accordé à Adrien Duclos

 

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À propos Mohammad Ali Amir-Moezzi

est directeur d’étude en islamologie classique à l’École pratique des hautes études.

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