Le dictionnaire (Robert) historique de la langue française nous apprend que « ce mot a d’abord désigné le clerc qui, dans les cérémonies de l’Église, porte l’encensoir et le récipient en métal en forme de nef contenant de l’encens (appelé aussi navette) ». Les différents rites liturgiques établis par le pape Pie V (1504-1572) lui attribuent pas moins de quinze fonctions. Rappelons ici que le botafumeiro, l’encensoir géant de la cathédrale de Saint-Jacques de Compostelle (55 kg), est entraîné dans son mouvement pendulaire par huit « thuriféraires » et aurait été conçu pour chasser les odeurs – pas de sainteté ! – dégagées par les pèlerins. Une des racines latines du mot étant turifer ou thurifer qui pouvait désigner « celui qui offrait de l’encens aux faux dieux », il ne serait pas étonnant de le découvrir dans une grille de mots-croisés parpaillotte avec une définition fort peu œcuménique… On sait que quelques siècles plus tard, le mot a pris le sens figuré de flatteur mais son usage reste limité à des auteurs littéraires, voire selon certains, à des locuteurs au parler précieux, alors que l’on rencontre beaucoup plus souvent « celui qui manie l’encensoir » ou « celui qui donne un coup d’encensoir ». Il peut aussi désigner des louangeurs excessifs de la mémoire de telle ou telle personnalité disparue ; c’est Bernard Cottret qui écrivait il y a plus de dix ans dans ces colonnes à propos des biographies de Jean Calvin : « le protestantisme n’a pas besoin de thuriféraires ». Il n’en reste pas moins que la fonction ainsi modernisée et laïcisée est très en vogue dans les allées du pouvoir car les puissants, ignorant la mise en garde de Jean de la Fontaine, adorent l’odeur de l’encens.
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