Le degré zéro de la tolérance

La formule vous pose immédiatement un politicien. Candidat à la présidence, ministre ou maire d’une petite commune – elle est accessible à tous : annoncer, face à telle ou telle réalité sociale, une « tolérance zéro ». Aucune tolérance pour les incivilités. Pour la fraude. Pour le resquillage. Pour l’ivresse au volant. Pour les récidivistes. Pour les dérapages. Pour les violences faites sur tels ou telles. Pour les atteintes à la laïcité. Pour l’incitation à la haine. Pour les violences policières.

C’est un luxe de la parole politique. Pourtant en face, la société se retrouve quant à elle à devoir tolérer non seulement ces maux qui demeurent en dépit de tous les volontarismes, mais en outre tolérer tous les manquements de la classe politique et de son administration. Si l’expérience contemporaine de la citoyenneté semble parfois se résumer à une série de déceptions, n’est-ce pas parce que les discours exagèrent ce que peuvent vraiment les pouvoirs publics ?

Je ne veux pas donner l’impression d’accabler ici les seuls politiciens. Qu’on la prononce ou qu’on l’écoute, la parole politique est une responsabilité collective. Lorsque Jésus conspue les pharisiens, lorsqu’il dit : « Ils lient des fardeaux pesants, et les mettent sur les épaules des hommes, mais ils ne veulent pas les remuer du doigt » (Mt 23,4), il me paraît dangereux de croire que les pharisiens, ce sont les autres. Le prêche d’intolérance qui a envahi la parole politique repose sur la même idée : le mal est commis par quelques-uns, et nous devons les mettre à l’écart.

Mais le Christ nous a également prévenus contre cette approche : « Parce que vous fermez aux hommes le royaume des cieux ; vous n’y entrez pas vous-mêmes, et vous n’y laissez pas entrer ceux qui veulent entrer. » (Mt 23:13) Gardons-nous d’une parole politique qui ferme des portes et qui met des fardeaux pesants sur autrui. Il faut être bien naïf pour croire que ce sont les procureurs qui nous délivrent du mal.

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