Marseille, le centre Jane Pannier est spécialisé dans l’hébergement d’urgence et l’accompagnement vers un logement adapté pour les personnes en grande précarité. Mis à part quelques places en Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) réservées à des familles, les six établissements que compte l’organisme accueillent un public féminin. L’histoire l’explique. Une histoire qui commence en 1919, lorsqu’Ernestine Schloesing, protestante réformée et engagée, féministe, ouvre la Maison de la jeune fille. Son objectif ? Offrir un point de chute aux jeunes campagnardes qui, fuyant la pauvreté, débarquaient en ville sans appui ni parent, au risque de se retrouver à la merci des réseaux de prostitution. En 1948, lorsque s’ouvre un nouvel établissement pour accueillir des femmes âgées et exclues, souvent de vieilles prostituées, le comité décide de lui donner le nom de la fille d’Ernestine Schloesing, Jane Pannier. Il faut dire que cette dernière, tout en se distinguant de sa mère qui était assez autoritaire, a été une militante précoce. Présidente de l’Union chrétienne des jeunes filles, elle sera également quelques mois à la tête de la Cimade (créée en 1939) avant de tomber gravement malade et de mourir, en 1943. « Le centre Jane Pannier est devenu emblématique du travail auprès des exclus dans les années 1960-1970. Cette activité a pris de l’essor alors que celle de la Maison de la jeune fille s’éteignait. C’est ainsi qu’en 1995 les deux associations ont fusionné », raconte Olivier Landes, directeur de la structure depuis 1987.
Aujourd’hui, avec un budget annuel d’environ 3,5 millions d’euros (dont 95 % de fonds publics pour 5 % de dons) et une soixantaine de salariés, le centre Jane Pannier propose une variété d’hébergements à quelque 260 personnes, avec des spécificités parfois pointues. Dans les années 2000, il s’est orienté vers l’accueil de demandeuses d’asile puis de victimes de la traite des êtres humains. Signe supplémentaire que le souci premier demeure de répondre aux plus exclues, un des établissements est spécialisé dans l’accueil de femmes souffrant de troubles psychiatriques. « C’est la lèpre de notre époque, le problème que personne n’a envie de regarder en face », constate-t-il. Aussi un volet santé s’est-il développé pour prendre en charge l’ensemble de ces publics marginalisés, qui s’insèrent mal dans les parcours de soin classiques.
Une autre mission s’est ajoutée, il y a deux ans, à celles du Centre Jane Pannier. « Nous avons été sollicités pour animer le réseau des couloirs humanitaires pour la région Arc Méditerranée », précise Olivier Landes. Le directeur du centre y voit « un projet innovant, en lien avec la citoyenneté », et qui lui donne l’occasion de se réjouir lorsque les préjugés tombent au profit de relations humaines vraies. « Il est difficile de résumer notre travail car il recouvre de multiples aspects, mais nous nous efforçons toujours de faire du sur-mesure, de préserver l’espace de la rencontre avec l’autre. Cela fait partie de nos valeurs », estime Olivier Landes. Et ces valeurs ont-elles gardé une coloration spécifiquement protestante ? « Nous essayons d’entretenir une capacité à toujours nous remettre en question, c’est le principe même de la Réforme. D’après les échos que j’ai, cette valeur transparaît et c’est formidable », rapporte le directeur, tout en reconnaissant que l’humanisme qui imbibe l’action du centre est partagé avec d’autres, chrétiens comme non chrétiens.
Enfin, l’homme de terrain s’exerce au recul. « Le travail social véhicule des valeurs dont on ne sait pas trop sur quoi elles reposent. Par exemple, l’inconditionnalité de l’accueil. » Pour lui, elle trouve bien sûr sa source dans l’amour de Dieu, qui aime chacun pareillement, puis se décline de différentes manières dans la réalité. « Ce n’est pas simple, la question revient sans cesse et les travailleurs sociaux, issus de tous horizons, apprécient qu’on sorte des discours habituellement entendus dans les écoles », conclut Olivier Landes.
Centre Jane Pannier 1, rue Frédéric Chevillon 13001 Marseille https://www.janepannier.fr
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