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Covid-19, où sont les historiens de la médecine ?

 

Lors de chaque grand bouleversement, les spécialistes les mieux instruits sur la discipline sont les moins bavards, les moins en vue, alors que leurs propos auraient l’audace d’enrichir le débat, voire de le clore. Ce ravissement de la parole est en cours autour de la Covid-19. Il est une parole, d’une expertise indéniable pour mieux entendre ce qui se produit ici-bas et comprendre demain, que nous aimerions davantage entendre : celle des historiens de la médecine. Comme ils s’agitent à la manière de cette profession relevant des sciences humaines, calmement et savamment, leur parole est souvent dépassée par d’autres, moins fécondes, ou tout simplement situées à mille lieux de l’Histoire de l’humanité.

L’historien de la médecine est seul à même d’inscrire la Covid-19 dans son parcours propre, celui d’une pandémie semblable à une dizaine d’autres, aussi meurtrières, sournoises et porteuses d’une confusion planétaire. Une douce et légère confusion, génératrice du meilleur cependant, la croyance en des jours heureux, demain. Illusion ? L’historien de la médecine ne peut ignorer l’aspect exceptionnel de cette crise dans notre monde moderne, il ajoutera cependant qu’elle reste banale à l’échelle de l’histoire de l’humanité. Vieilles compagnes de l’humanité, les épidémies sont maîtrisées, jugulées et, au fil des siècles, anéanties. Avec souvent, si ce n’est toujours, le même état d’esprit, la même volonté intérieure, mais jamais constatée : la prise de conscience et l’avènement d’humains meilleurs.

Les plus vastes épidémies n’ont en aucune manière bouleversé le fondement même de nos sociétés. Le système féodal a résisté sans difficulté à la grande peste noire du XIVe siècle, les épidémies féroces du choléra en Europe au XIXe siècle n’ont pas modifié l’organisation sociale. Inégalités et contradictions de nos sociétés apparaissent au grand jour lors d’épidémies ou de pandémies. Mondialisation, fragilité des économies, disparition de l’État, compétitivité acharnée sont révélées et mises en accusation publiquement. L’historien de la médecine, à qui la parole serait davantage confiée, achèverait ainsi son constat : les épidémies ne changent que rarement le cours de l’histoire, elles l’accélèrent.

 

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À propos Fabrice Millon

Fabrice Millon est écrivain, il fonde par ailleurs en 2009 les éditions D’ores et Déjà.

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