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L’Ascension est une distanciation théologique

Le récit de l’ascension de Jésus qui est fait dans le premier chapitre du livre des Actes des apôtres signifie la distance physique qu’il y a désormais entre Jésus et ses disciples et, par extension, entre Jésus et nous tous. Jésus n’est plus là parmi les êtres humains. En protestantisme, cette séparation de Jésus avec l’univers des vivants a une conséquence sur le sens de la cène, le dernier repas que Jésus a pris avec ses disciples. Lors des célébrations de la cène, Jésus, qui ne partage plus notre condition humaine, n’est donc pas physiquement présent. C’est pourquoi, en parlant de la communion lors du partage du pain et du vin, nous parlons de présence spirituelle. Nous pouvons dire de même pour la communion qui se réalise entre les personnes présentes, au même titre qu’avec les personnes qui ne sont pas physiquement présentes, mais qui s’associent à ce qui est vécu. Ce ne sont pas le pain et le vin consommés qui font la communion avec le Christ ou entre les personnes, mais la foi, cette adhésion inconditionnelle à la vie telle que le Christ Jésus l’a révélée.

Nous éprouvons à quel point l’absence physique du prochain suscite le désir de sa présence. Ainsi l’Ascension est-elle en mesure de susciter un désir chez les disciples, que le trop-plein de la présence physique empêchait. L’absence physique, la distance avec l’être aimé, l’ami, le maître, ne sont pas à prendre comme des malheurs, mais à vivre comme autant d’occasions de recouvrer un espace de liberté personnelle et donc de responsabilité. La Toute-présence du Christ ou celle d’un parent, d’un maître spirituel, d’un chef d’État est une malédiction. Au contraire, la distanciation théologique, l’Ascension, libère des liens trop fusionnels qui nous privent de mettre en œuvre tous nos talents. L’Ascension est la fête de notre liberté.

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À propos James Woody

Pasteur de l'Église protestante unie de France à Montpellier et président d'Évangile et liberté, l'Association protestante libérale.

2 commentaires

  1. Fritjof.Ziegler@web.de'

    Oui: plus de présence physique.

    Mais à part, toute cette chose d’ascension est une grande affaire de connexité – lisez Jean 17:20-26. Jésus prend place aux environs de Dieu pour être connecté a lui, pour se connecter à la même fois à Dieu et à nous et pour finalement nous connecter avec (l’amour de) Dieu! Et nous rassemble en même temps. C’est tellement stimulant.

    Jésus part, mais pas pour être parti: Ni dans ton coeur ni dans la Sainte Cène.

  2. sl@serge-lochu.com'

    Merci! En ces temps d’épidémie, il est pertinent de rebondir sur la notion de distanciation. Comme Jésus le dit lui-même, son départ (et donc, quelque part, son absence) nous est avantageuse : « Cependant je vous ai dit la vérité : c’est votre avantage que je m’en aille ; en effet, si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; si, au contraire, je pars, je vous l’enverrai. » (Jean 16:7).

    Mais il s’agit de départ et d’absence corporelles.

    La « forme » corporelle est certes le support de notre identité mais elle peut lui donner trop d’importance.

    N’existons-nous pas plus par les relations qui se tissent entre nous que par la relation que nous avons à notre corps? Notre avenir n’est-il pas surtout dans l’inter-personnalité »? N’existons-nous pas désormais dans la mesure et, peut-être, seulement dans cette mesure, où nous mettons en pratique le commandement donné par Jésus « Aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres » (commandement répétés plusieurs fois dans l’évangile de Jean)?

    Personnellement, je vois la distanciation (vis à vis du corps, vis à vis du « moi », vis à vis de tous les attachements qui forgent notre condition humaine) comme une invitation à l’altérité. L’altérité est, paradoxalement, la condition de l’unité. « Nul n’a d’amour plus grand que celui qui se dessaisit de sa vie pour ceux qu’il aime. » (Jean 15:13).

    L’apprentissage de l’altérité est cependant difficile. Il est difficile parce qu’elle procède fondamentalement de l’humilité. Renoncer au moi moïque, voire « surmoïque », c’est voir l’autre comme la base même de l’identité, puisque je me construis en l’imitant.

    L’autre, les autres (d’abord mes parents, puis mon entourage, puis mes amis et aussi mes ennemis) sont les matériaux avec lesquels s’est construite mon identité, pour le meilleur et, parfois, pour le pire (les désastres psychologiques et psychopathologiques sont les témoins du pire).

    Dans le prolongement du geste créateur qui fait de nous des images, nous avons à accepter d’être un moi pluriel, sans cesse remanié par la rencontre, et notamment par la rencontre avec ceux qui nous apparaissent comme plus petits. Car c’est en eux que Jésus est désormais PRÉSENT.

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