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L’Église unie du Canada et la question amérindienne

 

C’est au XIXe siècle que l’édification d’un Canada anglo-saxon signifia par la colonisation de l’Ouest canadien une politique d’exclusion et de tutelle systématique vis-à-vis des autochtones. Il n’y eut pas de résistance armée conséquente des autochtones face à ce grignotage permanent de leurs droits. Le gouvernement canadien crut alors possible une politique d’assimilation autoritaire, dans laquelle l’évangélisation et la scolarisation tinrent une place majeure. Des « pensionnats indiens » furent institués pour les enfants autochtones. Il s’agissait, selon un mot tristement célèbre, de « tuer l’Indien au sein de l’enfant ». Ceux-ci étaient retirés à leurs familles, parfois par de véritables rafles de la Gendarmerie Royale du Canada, et placés dans des internats. À la discipline sévère de l’époque, s’ajoutèrent la maltraitance et quantité d’abus sexuels. On estime à 150 000 le nombre d’enfants concernés par les pensionnats indiens entre 1849 et 1996, date de la fermeture du dernier établissement. Le résultat fut des générations de jeunes gens coupés de leurs racines, grandissant dans la détestation d’eux-mêmes et sombrant massivement dans l’alcoolisme et la violence domestique. L’exclusion sociale justifiait le maintien de cette politique, alors qu’elle en était la cause majeure.

C’est dans les années 1980 que les premières dénonciations se firent entendre, parallèlement à la remise en cause des institutions ecclésiales qui avaient reçu au Canada anglais comme au Québec de véritables délégations de service public pour asseoir et maintenir leur toute-puissance sociale et économique. En 1986 le Modérateur Robert Smith de l’Église Unie du Canada (ÉUC) présenta les premières excuses aux communautés autochtones pour les mauvais traitements. L’ÉUC, née en 1925 d’une union entre Églises presbytériennes, méthodistes et congrégationalistes, avait eu la responsabilité de nombreux pensionnats indiens et de plus elle avait fait sienne une politique d’exclusion en son sein de ses membres autochtones absents des instances dirigeantes ou même empêchés d’une simple prise de parole. Ce mouvement de repentance se répéta en 1998 au nom de l’exécutif du Conseil Général (l’équivalent du Synode national) en direction des victimes survivantes des pensionnats indiens, désormais organisées pour obtenir une réparation judiciaire et symbolique de la part du gouvernement fédéral canadien. La conception anglo-saxonne de la laïcité permit d’unir les démarches religieuses et politiques avec la mise en place d’une commission Vérité et Réconciliation entre 2007 et 2015 pour collecter les témoignages et proposer des mesures réparatrices. Les Premiers Ministres Harper en 2008 et Trudeau en 2015 ont réitéré les excuses du gouvernement et évidemment promis de tenir leurs engagements.

L’ÉUC a fait de cette question un véritable axe théologique de son action, sachant bien que le soupçon de paroles creuses sans lendemain pèserait sur ces déclarations. La repentance figure désormais dans la Base d’Union (texte fondateur), l’emblème de l’Église fait place désormais à des symboles mohawks et dans un contexte de raréfaction de ses ressources, elle s’est résolue néanmoins à créer un Fonds de Guérison, afin de soutenir les initiatives réparatrices. Cette démarche se relie à d’autres initiatives similaires, dont la plus connue est celle initiée par Nelson Mandela et Desmond Tutu en Afrique du Sud à la fin de l’apartheid (1995-1998). Dans un article de la revue Aujourd’hui credo de l’ÉUC (décembre 2017), la pasteur germano-canadienne Angelika Piché aborde la difficile question de la culpabilité et de la responsabilité héritées ; mais le Royaume de Dieu ne s’accomplit-il pas dans l’établissement de relations justes et apaisées pour surmonter les fautes passées ? Et elle convoque la figure de Zachée (Lc 19), ce riche et détestable collecteur d’impôts qui néanmoins court vers un Jésus qui le cherche, confesse ses fautes, offre une part de sa fortune en réparation et reçoit l’assurance du salut. L’Évangile montre ses chemins au Canada comme ailleurs.

Pour aller plus loin : https://egliseunie.ca/wp-content/uploads/2018/12/ACHors-serie-decembre-2017.pdf

 

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À propos Jean Loignon

est président du conseil presbytéral de l’Eglise protestante unie de Clamart, Issy-les- Moulineaux et Meudon-la-Forêt.

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