Mais à quoi servent donc les exégètes catholiques s’ils sont complètement inféodés, inconsciemment ou non, aux intérêts dogmatiques du magistère ? Cette brûlante question pourrait résonner dans l’esprit de nos contemporains cultivant des doutes, voire de véritables fantasmes sur la censure du champ magistériel dans le travail exégétique. Et ceci, si on se limite surtout aux rapports qui furent souvent houleux entre les milieux du magistère et le domaine exégétique. Déjà, la condamnation du modernisme (1907) par Pie X avait provoqué un énorme climat de suspicion à l’égard des exégètes catholiques. À cette époque, le dogme dictait la manière de lire la Bible. En définitive, les exégètes devaient poursuivre leur travail, mais en le mettant au service d’un projet apologétique et des affirmations traditionnelles de la foi catholique. Certes, par la suite, deux encycliques (Proventissimus Deus de Léon XIII et Divino Afflante Spiritu de Pie XII) plaidèrent pour la liberté et pour l’utilisation de la démarche critique dans la recherche biblique. C’est avec la Constitution dogmatique Dei Verbum (1965) du Concile Vatican II, la plus haute instance magistérielle de l’Église catholique, qu’apparut alors un mouvement de redécouverte de la Bible, ainsi qu’un essor spectaculaire des études exégétiques dans le monde catholique. Tout ceci incita l’exégète catholique à profiter d’un véritable espace de liberté, mais toujours en dialogue avec le magistère « qui n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais qui la sert » (n° 10 de Dei Verbum). C’est ainsi que les exégètes pourront désormais développer leur responsabilité : scruter, avec des méthodes les plus rigoureuses possibles, ce que dit le texte biblique, en veillant au respect de celui-ci dans son altérité, comme une parole vivante reçue en vue du bonheur de tout croyant.
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Plaidoyer pro domo : dans ce rapide parcours de l’exégèse catholique et de son évolution, on ne doit pas minorer le rôle pionnier du frère Marie-Joseph Lagrange et de l’École biblique et archéologique française qu’il a fondée à Jérusalem en 1890. Et que j’ai eu l’honneur de diriger entre 2008 et 2011.
Bien cher Père Ponsot ! Merci encore pour votre plaidoyer « pro domo » ! Il est évident que j’ai bien pensé au rôle important et décisif du frère Lagrange et de l’EBAF lorsque, dans mon trop court parcours historique de l’exégèse biblique, je fais allusion à la liberté et à la nécessaire utilisation de la démarche critique dans la recherche biblique ! Comment ne pas leur en être infiniment redevable ? Bien cordialement à vous !