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Le relatif et l’absolu

Ernst Troeltsch (1865-1923) est sans conteste l’un des plus grands théologiens du premier quart du XX siècle. Malheureusement, il est aujourd’hui assez peu connu du grand public. Sans doute est-ce en partie en raison des critiques que Karl Barth et ses disciples lui ont adressées – des critiques parfois injustifiées, dans la mesure où sur bien des points, Barth et Troeltsch se sont posé les mêmes questions, tout en y répondant de manière le plus souvent opposée. Toute l’œuvre de Troeltsch peut en effet se résumer à une question qui sera aussi celle du jeune Barth : comment le théologien, informé qu’il est de la dimension pleinement historique et donc relative de la religion chrétienne, peut-il parler de Dieu en tant qu’Absolu ? C’est le mérite du livre de Bernard Reymond que de nous proposer une présentation systématique et abordable des enjeux découlant de cette question. Il en ressort en effet l’image d’un théologien dont bien des idées demeurent pertinentes, aujourd’hui encore, sur bien des points. Surtout, il montre combien Troeltsch fut animé par deux moteurs: sa profonde conviction religieuse d’une part et son exigence d’honnêteté intellectuelle d’autre part. Si ces deux moteurs ont sans doute été cause de bien des malentendus à propos de son œuvre, ils demeurent pourtant ceux qui devraient animer tout théologien responsable.

La présentation de la théologie de Troeltsch que propose Bernard Reymond n’est cependant qu’un aspect parmi d’autres du travail du théologien allemand qui fut aussi historien, sociologue et philosophe. Assez judicieusement, Bernard Reymond propose également dans un deuxième volume la traduction de deux conférences, données par Troetlsch en 1911 et en 1922, à propos de la philosophie sociale du chris- tianisme. Si Troeltsch est aujourd’hui connu en dehors des cercles théologiques, c’est, en effet, en raison de son œuvre principale : les « Doctrines sociales des Églises et groupes chrétiens » (1912), un livre qui compte parmi

les ouvrages fondateurs de la sociologie moderne. Trop volumineuse pour être traduite en français (presque mille pages !), cette mine de renseignements et de réflexions reste difficile d’accès pour les non germanophones. Heureusement, avec les deux conférences tra- duites ici, le lecteur francophone pourra avoir accès à une présentation succincte – et facile à lire – des grandes idées de Troeltsch. Il pourra, surtout, mesurer com- bien la pensée historique et sociologique de Troetlsch demeure inspirante pour ceux qui s’intéressent à ces disciplines en rapport avec la religion chrétienne. u

 

Bernard Reymond, Ernst Troeltsch et la théologie en modernité, Paris, Van Dieren, 2018
et Ernst Troeltsch, La philosophie sociale du christianisme. Conférences de 1911 et 1922, Présentation et traduction de Bernard Reymond, Paris, Van Dieren, 2018.

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À propos Pierre-Olivier Léchot

est docteur en théologie et professeur d’histoire moderne à l’Institut Protestant de Théologie (faculté de Paris). Il est également membre associé du Laboratoire d’Études sur les Monothéismes (CNRS EPHE) et du comité de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français (SHPF).

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