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Christ au Mont des Oliviers (4) : Pier Paolo Pasolini

 

Dès 1897, les Frères Lumière tournaient La vie et la passion de Jésus-Christ. On ne compte plus, depuis, les versions cinématographiques de la vie du Christ ; tous les genres s’y sont essayés, y compris le film musical avec le Jésus Christ superstar de 1969. Certains films firent scandale (La Dernière tentation du Christ de Martin Scorcese par exemple en 1988), d’autres ont fait de Jésus un super héros (Le Roi des Rois de Nicholas Ray en 1961 par exemple) ou en ont donné une image doloriste (ainsi La Passion du Christ de Mel Gibson en 2004).

La sobriété du noir et blanc de Pasolini tranche avec tous ces films. L’Evangile selon Saint Matthieu (1964) est un film atypique : athée et marxiste, Pasolini réalise un film qui suit scrupuleusement le texte de l’évangile de Matthieu, et qui reçut même le prix de l’Office catholique international du cinéma.

La séquence du Mont des Oliviers illustre tout à fait le projet du réalisateur qui ne cherche pas à donner une reconstitution historique fidèle à ce que pouvait être la Palestine du premier siècle de notre ère, et qui refuse aussi de « sacraliser un sujet sacré », selon sa propre déclaration. Pasolini y rend visible le doute d’un homme dont la solitude est soulignée par des vues de la ville endormie en arrière-plan.

Cette séquence s’ouvre avec l’arrivée de Jésus et des disciples dans l’oliveraie. Le son des violons qui jouaient en sourdine va s’estomper peu après que Jésus s’est éloigné de Pierre, Jacques et Jean, à qui il avait demandé de le suivre et de « veiller avec lui ».

Dans un quasi silence oppressant, la caméra cadre alors en très gros plan le visage de Jésus dont le front se perle de sueur. Un zoom arrière nous fait découvrir Jésus marchant de long en large ; la caméra tenue à l’épaule suit le mouvement saccadé et hésitant de la marche. Jésus tombe à genoux et le cadrage est de nouveau sur son visage en très gros plan.

Par trois fois, la caméra va alors se poser sur la ville en arrière-plan pour revenir sur le visage de Jésus couvert de sueur. Le contraste est saisissant entre cette ville calme éclairée seulement par les lueurs de quelques flambeaux et le visage angoissé de Jésus. Il l’est aussi entre le plan large qui met la ville à distance et le gros plan qui nous fait entrer dans l’intimité du visage.

Levant la tête vers le ciel, Jésus déclare « Mon Père, s’il est possible que cette coupe passe loin de moi ! Pourtant non pas ce que je veux mais ce que tu veux » (Mat. 26, 39) puis il se relève et revient vers les trois disciples dont la caméra cadre les visages endormis, la musique jaillit de nouveau.

La mise en images des versets 38 à 40 du chapitre 26 de l’évangile de Matthieu s’étend sur une pleine minute durant laquelle Pasolini, usant de toutes les ressources de la langue cinématographique, exprime visuellement le doute, la solitude, la déréliction. Comme l’écrivait un critique (Le Monde 17.06.2003), avec ce film « le texte se fait image ».

C’est un Jésus abandonné de tous, seul avec son angoisse que dit Matthieu et c’est bien ce Jésus que montre Pasolini. Ce dernier a déclaré : «je ne crois pas que le Christ soit le fils de Dieu… mais je crois que le Christ est divin : autrement dit, je crois qu’en lui, l’humanité est si élevée, si rigoureuse, si idéale qu’elle va au-delà des termes ordinaires de l’humanité». Une belle confession de foi !

 

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À propos Sylvie Queval

a été enseignant-chercheur en philosophie à l’Université de Lille 3. Depuis sa retraite, elle anime le cercle Évangile et liberté de l’Aude.

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