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Pour un nouveau regard sur l’addiction aux drogues

 

Pr Didier Sicard. Président du comité français d’éthique
Chef de service de médecine interne à l’hôpital Cochin

La France est le pays d’Europe le plus consommateur de cannabis et de cocaïne et pourtant le plus répressif. Deux lois françaises s’affrontent : une loi de 1970 criminalise l’usage des drogues ; une loi de 2016 consacre pourtant l’accompagnement et la prise en charge des comportements addictifs. D’un côté la consommation effrénée sans accompagnement aucun ou avec une attention bien modeste, de l’autre la police, la délinquance, la prison…

Qui est le coupable ?

Le politique, qui prend appui sur la société française très conservatrice dans ce domaine, ne veut pas ouvrir de débats qui donneraient une image de laxisme et d’abandon des valeurs. Cette attitude répressive contraste justement avec le laxisme à propos de l’alcool (abandon de la loi Evin en 2016) et du tabac qui ne fait l’objet d’aucune vraie prévention ou éducation en dehors des paquets neutres et du prix en constante augmentation.

Stigmatiser les usagers de drogues conduit à les abandonner à la seule répression alors que la plupart des pays occidentaux ont depuis 20 ans adopté des lois de dépénalisation ou de légalisation, ou au moins des conduites de réduction des dommages et des risques en s’adressant directement aux usagers. Faire « avec » et non « pour » ou « contre » eux.

Les outils sont là pour éviter les overdoses mortelles, les prises de drogues sans cesse nouvelles et dangereuses, prescrire largement des traitements de substitution, limiter les risques sociaux, les risques sanitaires, mais il faut aller vers les personnes, définir avec elles les objectifs. Un nouveau regard déculpabilisant doit susciter une nouvelle alliance entre intervenants professionnels et consommateurs experts de leur usage. Cette attitude devrait précéder un débat ouvert sur la dépénalisation, voire la légalisation. Les USA en ont fait l’expérience en ouvrant dans plusieurs États d’abord l’usage médical extrêmement riche, puis l’usage « récréatif » à petites doses. Le marché officiel et contrôlé s‘enrichit !

Notre situation française ressemble à la période de prohibition de l’alcool aux USA dont on sait le caractère tragique.

 

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À propos Didier Sicard

est professeur émérite de médecine Université Paris Descartes, ancien Président du Comité Consultatif National d’éthique.

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