Je me souviens très nettement de ma première incursion dans l’univers monastique. C’était en 2003. L’été de l’effroyable canicule. J’avais 21 ans. Cycliste invétéré, j’entrepris sans crier gare de traverser le pays de l’Atlantique aux Alpes, au guidon de ma fidèle Gitane. J’aimais cette vie simple, faite de rencontres, de sardines à l’huile et de crevaisons sur le bord des routes. un soir, le hasard – j’ignorais alors que c’était la providence qui m’escortait sous un autre nom – me fit toquer à l’entrée d’un couvent.
La lourde porte s’ébroua et je fus tout entier happé par le regard de la sœur hôtelière. « Soyez ici chez vous ! » On m’offrit une cellule, une douche, un encas miraculeux. Puis la sœur m’entraîna jusqu’à la chapelle. Alors s’élevèrent des antiennes, dont la beauté fragile me plut. elles chantaient faux, en vérité. Mais la fidélité de ces femmes sans âge, perdues au milieu de nulle part, m’émerveilla. en elles s’incarnaient l’ordre et la sérénité qui manquaient tant à notre époque. Ces sœurs avaient ranimé la foi de mon enfance, sur laquelle j’avais cru pouvoir tirer un trait. Quelque chose en moi s’éveilla : je m’étais senti accueilli.
L’eau a coulé sous les ponts. Je ne suis jamais devenu ermite, et mon tempérament ne m’incite pas toujours à l’introspection. Mais certains lieux, comme le monastère œcuménique de Bose, en italie, ou l’abbaye de Mondaye, en Normandie, sont devenus essentiels à ma santé intérieure. L’expérience du silence, nourri par la liturgie des heures et la vie fraternelle, devrait être remboursée par la sécurité sociale, tant elle révèle ce qu’il y a de meilleur et de plus enfoui en nous.
Ces havres de réclusion consentie agissent sur ma nature inquiète comme un tamis : j’y laisse décanter mes impatiences, mes regrets, mes peut-être. Dehors, on court après le temps ; dedans, le temps nous fait la cour. Avec un peu de chance, les murs seront assez épais pour neutraliser la 4G. une retraite, même brève, c’est l’invisible qui vous donne la main. il me plaît d’y voir une escale entre terre et ciel. Pour se sentir vivant. Sous l’œil de plus grand que soi.
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