J’ai longtemps pensé que « miséricorde » n’était qu’un juron. Lancé au ciel sur le ton de l’ironie pour clamer sa colère, il me semblait approprié pour hurler le sentiment d’injustice dans le cas d’une situation particulièrement tragique. Par la suite, ce mot m’est devenu insupportable car chargé de condescendance. Les uns faisaient preuve de miséricorde pour mettre en évidence leur bonne âme, d’autres étaient miséricordieux pour prendre le pouvoir sur celui qui obtenait miséricorde. Au même titre que la charité qu’on balançait à la figure du pauvre, du malheur, de celui qui manquait de tout et, d’abord, de reconnaissance et d’affection, la miséricorde avait ce mauvais goût de l’orgueil.
Ce n’est pas l’affichage massif du mot sur les églises catholiques et dans les vitrines religieuses en cette année dite de la miséricorde qui me l’aura rendu plus sympathique. En revanche, bien des situations, bien des personnes dont je croise la route ou le regard ont sur moi un effet que je ne saurais exprimer si je n’avais ce mot à ma disposition. Pour ne pas me laisser submerger par l’émotion, mais pour l’orienter vers l’amour inconditionnel envers mon prochain, ce mot, « miséricorde », est ce dont j’ai besoin : il identifie la misère, il repère l’activité de mon cœur et me permet de penser les deux ensemble. Je peux alors mettre de côté tout sentiment de culpabilité ou de colère et agir par grâce seule. Alors que je pourrais ne rien faire face au malheur, voire que je pourrais punir telle erreur ou telle faute, ce terme me rappelle qu’il y a, par-delà mon désir, un impératif évangélique qui est de sauver ce qui semble perdu, de mettre chacun au bénéfice de la miséricorde, l’autre nom de la bienveillance de l’Éternel.
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