L’Union européenne est secouée par l’arrivée de centaines de milliers d’immigrants, venus principalement de Syrie et d’Irak. Alors qu’en France, la population est très divisée sur l’accueil de ces exilés, la Fédération protestante de France a rappelé l’injonction du verset biblique : « Tu aimeras l’émigré comme un frère » (Lv 19,34). L’importance de l’accueil de l’étranger ne s’exprime pas uniquement dans les paroles de la Bible, elle est aussi inscrite dans la mémoire huguenote.
La Révocation de l’Édit de Nantes en 1685 a provoqué le départ de 200 000 protestants vers les pays du Refuge, malgré l’interdiction de quitter le royaume de France. Des associations allemande, suisse et française ont voulu faire mémoire de cette sombre histoire en retraçant le chemin d’exil des huguenots. Celui-ci relie le musée du protestantisme dauphinois qui se trouve dans le village de Poët-Laval, à proximité de Dieulefit dans la Drôme, au musée huguenot de Bad Karlshafen dans la Hesse. Long de 1 800 km, ce chemin d’exil passe par Genève qui, entre 1680 et 1715, a reçu 60 000 réformés : jusqu’à 350 personnes par jour. Le but de l’association française Sur les pas des Huguenots n’est pas uniquement de commémorer une histoire lointaine, mais de susciter la réflexion des randonneurs sur les thèmes de l’intolérance politique ou religieuse, l’accueil ou le rejet des immigrants, leur apport économique…
Du côté français a été inauguré en août un autre chemin, celui des camisards, qui part du musée du Désert pour rejoindre le sentier des huguenots à Die dans la Drôme. Le chemin des camisards est l’itinéraire que devaient emprunter sept jeunes gens en juillet 1702. Mais ceux-ci furent dénoncés et arrêtés au Pont-de-Montvert. C’est l’emprisonnement de ces exilés et de leur guide, Massip, qui déclencha l’assassinat de l’abbé du Chayla et le début de la Guerre des Camisards. Le but de ce nouveau sentier est d’associer exil et résistance, entre ceux qui ont choisi de partir pour ne pas renier leur conscience, et ceux qui ont préféré résister pour être libres.
Ces chemins qui rejoignent Genève ne sont pas les seules routes d’exil. Les vaudois du Piémont italien ont aussi connu le départ. Ces disciples de Pierre Valdo, victimes de violentes persécutions pendant le Moyen Âge, ont adhéré à la Réforme en 1532. Alors qu’il ne subsistait que trois groupes vaudois, dans le Luberon, en Calabre et dans les vallées alpines, ils subirent, pour avoir voulu rejoindre le protestantisme réformé, de nouvelles persécutions. En 1686, après une série d’Édits, les vaudois sujets du duc de Savoie, Victor Amédée II, ont connu une terrible répression qui aurait pu les anéantir. L’ensemble de la population vaudoise des vallées alpines a été capturé ou tué. 8 000 vaudois ont été emprisonnés dans 13 prisons. Mais le coût de leur emprisonnement s’est révélé trop élevé. Les Vénitiens n’ayant pas accepté de les acheter comme galériens, c’est donc encadrés par les soldats du duc de Savoie que les vaudois sont partis pour le Refuge allemand par Genève. En 1689, des vaudois partent reconquérir leurs vallées, c’est la Glorieuse rentrée.
C’est un chemin du retour qui suit les crêtes alpines, sans doute unique en histoire. Ce chemin d’un exode particulier et brutal, dont l’histoire est inconnue des Italiens, est une des routes de l’exil des protestants qui associe l’Italie aux trois autres pays. Ces chemins d’exil ont un sens parce qu’ils évoquent une histoire d’exclusion et de résistance. Ils rappellent qu’il n’y a pas de frontières à l’intolérance et à la barbarie. Mais il n’y a pas non plus de frontières à l’accueil et à la justice.
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