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La paix des fanatiques

David MeyerDavid Meyer David MeyerDepuis la réélection de Netanyahu, c’est barre à droite toute, politiquement, diplomatiquement mais surtout religieusement ! Le fanatisme juif gagne du terrain. Pour ne pas choquer l’électorat religieux, les visages des femmes ministres ont récemment été floutés dans les journaux. Les jeunes filles dans les lycées se voient interdire le port des shorts. Les ultraorthodoxes exigent la ségrégation des sexes dans les transports publics. Cela ne fait plus aucun doute, le fanatisme juif devient progressivement dominant. Cette mutation de la tradition juive, de manière paradoxale, pourrait porter en elle les germes d’une entente possible entre Israël et ses voisins les plus radicaux. Sur le plan des valeurs, l’islamisme des imams harangueurs de foules les plus véhéments est-il si différent du judaïsme radical d’une ultra-orthodoxie, toujours plus « ultra » ? La proximité créée par une pensée fanatique s’articulant autour des mêmes ressorts religieux, peut-elle se muer en acteur actif d’une paix politique entre les peuples ? Une folie commune peut-elle construire à la paix, et à quel prix ?

La question renvoie à l’un des célèbres contes de Rabbi Nahman de Braslav dans lequel un roi convoque son conseiller pour lui faire part de son angoisse : « J’ai lu dans les étoiles, lui dit-il, que tous ceux qui mangeront de la récolte seront frappés de folie. Que faire ? » Face à l’absence de solutions raisonnables, le roi refuse de demeurer lucide au milieu d’un peuple qui ne le serait plus. Dans un monde en délire, il ne sert à rien d’observer du dehors. Il propose alors à son conseiller d’entrer dans la folie collective. Cependant, ajoute le roi, « sauvegardons un reflet de notre santé mentale présente. Gravons sur nos fronts le signe de la folie. Chaque fois que nous nous regarderons, nous saurons, toi et moi, que nous sommes fous ».

Si par hasard les folles dérives fanatiques du judaïsme et de l’islam parvenaient à rapprocher juifs et musulmans de la région, ne serait-il pas urgent d’identifier un « signe de la folie » pour que, si nous en venions à sombrer également dans leurs folies, un espoir de décence religieuse puisse persister, par-delà la paix des fanatiques !

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À propos David Meyer

Le rabbin David Meyer est professeur de littérature rabbinique et de pensée juive contemporaine à l’université Pontificale Grégorienne de Rome, et auteur de nombreux ouvrages.

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