Le maître-autel où est célébrée la messe règne sans partage dans le chœur de la cathédrale d’Autun, en Bourgogne, dépouillé, lors d’une restauration récente, de tout ornement superflu : pas de statues, plus de tentures ni de tapisseries, dont on voit encore les accroches. Les arcades romanes de l’abside, en pierre d’un blanc légèrement doré, les vitraux chamarrés qui les surmontent, enserrent de loin, comme respectueusement, cette table d’autel.
Au cœur de l’autel, lui aussi en pierre, une niche transparente, en verre ou peut-être en cristal de roche, et dans cette niche, un curieux petit objet, très coloré, qui retient le regard. À distance, on dirait une chaise de poupée, abandonnée par un enfant. Si l’on y fait plus attention, se révèlent sous nos yeux, par la présence de cet objet, des pages entières de textes bibliques, tourbillonnant dans notre mémoire : le prologue de l’évangile de Jean, les derniers versets de l’Apocalypse…
Ce siège, presque vide, annonce et attend le retour du Seigneur. On l’appelle l’hétimasie.
Aurait-on oublié, en protestants trop habitués à l’état sommaire des temples français, que les églises et les cathédrales qui ornent toutes les régions françaises participaient à l’éducation des chrétiens et ne sont pas étrangères à la théologie ?
L’hétimasie (en grec, la préparation) symbolise attente et espérance. Le trône, même si, en l’occurrence, ce n’est qu’une modeste cathèdre (chaise gothique), est ponctué de cabochons de pierres certainement précieuses, comme un reliquaire ; l’assise paraît être en marbre ; la croix et les instruments de la Passion, la lance et l’éponge, lancent leurs bras vers le ciel, rappelant le chemin suivi sur terre par le Seigneur de l’univers. Au milieu de ce trône sans occupant, sous une riche reliure à coins de métal travaillé évoquant les évangéliaires médiévaux, le Livre, la Bible, la Parole, celle qui a porté le message de Dieu, celle dont dépend la confiance des fidèles, celle qui a annoncé le retour du Christ dans la gloire et promis de faire « toutes choses nouvelles », celle qui accompagne notre existence.
L’œuvre de Goudgi, un grand artiste contemporain souvent sollicité par les diocèses catholiques qui le peuvent, est datée de 2012, mais l’hétimasie est pour l’Église chrétienne une très ancienne image de l’attente du Seigneur : déjà lors du Concile de Nicée (IVe siècle) le siège de celui qui devait présider ne fut plus réservé à l’Empereur, mais fut laissé vide !
Une petite chaise pour un grand moment de foi. Dans sa cage translucide, sous un joyeux éclairage, l’hétimasie nous rappelle la fiabilité de la Promesse ; elle tourne notre pensée vers le Christ – alpha et oméga – nous libère du temps compté des hommes pour nous offrir un avant-goût du temps de Dieu, que l’on ne maîtrise pas, que l’on oublie parfois…
Elle m’empêche personnellement de faire l’impasse sur tout ce qui me dérange parce que je ne le comprends pas : que signifie ce Jugement Dernier par un Christ « qui revient bientôt » et qui pèsera toutes les âmes créées depuis qu’il y a des humains ?…
Honnêtement, dans l’attente du Seigneur, entre déjà et bientôt, je préfère la Grâce ! sa Grâce.
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