C’était au cours d’un culte que je présidais dans un temple au nord de Paris. Nous étions en juin. Le recueillement était un peu difficile, car en même temps avait lieu la brocante annuelle dans la rue juste devant le temple. La porte principale était grande ouverte ; une simple baie vitrée séparait l’assistance de la rue agitée et bruyante. Pour une fois les chrétiens étaient vraiment dans la cité. Mais j’étais le seul à profiter du spectacle car les autres tournaient le dos à la rue. J’essayais de ne pas trop voir, tout en faisant entendre à l’assistance de beaux textes liturgiques.
Soudain, un clown vint coller son gros nez tout rouge contre la baie vitrée pour regarder ce qui se passait dans cette salle sérieuse et austère. Il était magnifique avec une tignasse toute verte, un énorme noeud papillon et une redingote de toutes les couleurs. Puis il entra et commença à s’avancer lentement par l’allée centrale. J’étais encore un des seuls à le voir car les autres participants lui tournaient le dos. Il n’avait pas l’air d’être embarrassé, un peu étonné peut-être de se trouver en si étrange compagnie, surtout que la moyenne d’âge contrastait bien avec celle de la rue. Mais son regard était sympathique, pas du tout hostile, intéressé peut-être.
Je fus troublé pendant un petit moment : que faire de ce clown ? Lui demander de s’asseoir ? de sortir ? de prendre part à la liturgie ? de nous faire une petite déclaration (ou un numéro ?) puis de se tenir tranquille ?
Je sais bien que nos cultes devraient être plus gais, plus attractifs, utiliser davantage des astuces de communication, parler un langage plus jeune, plus coloré, être plus en contact avec les gens du dehors, mieux tenir compte de la modernité. Mais sur le coup je ne voyais pas comment faire, car je ne suis pas à l’aise dans l’improvisation.
Heureusement notre ami s’est rendu compte du caractère insolite de la situation et très gentiment se retira aussi doucement qu’il était entré. Merci Monsieur le clown !
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