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Un chant d’oiseau

Un récent cahier de notre mensuel (mars 2010) s’est interrogé sur les continuités existant entre l’animal et l’homme, notamment dans les domaines des comportements et des affects : une conscience commune de la mort (quand elle approche, voire quand elle a touché nos proches ?), l’existence de rites associés à ce « passage », une certaine capacité d’empathie pour les vivants, voire pour les disparus, une certaine culture de vie, celle-ci incluant des émotions, parfois même une aspiration à des faits de beauté. On pourrait citer d’autres domaines où la discontinuité entre l’homme et l’animal semble peu nette.

  Nous humains, avons parfois, autant ou plus que pour d’autres humains, un attachement fort pour certains animaux. Certains d’entre nous – faut-il leur en tenir rigueur ? – ont recours à des rites d’inhumation ou de séparation qui expriment leur tenace espérance que les liens terrestres alors élaborés ne se dissolvent pas totalement au moment de la mort de leurs chers « compagnons ». Dieu qui les a créés comme il l’a fait pour nous, ne voudrait-il pas que leur soit ouvert, d’une façon ou d’une autre, son au-delà où nous pourrions les revoir (pour autant qu’il existe) ?

  Pour ceux qui pensent ainsi, où serait alors la discontinuité entre l’homme et l’animal ? Déjà les règles de l’évolution des espèces peinent à placer une limite entre les uns et les autres : les uns qu’une espérance d’un au-delà anime, les autres qui meurent définitivement. Nous disons que les hommes ont évolué à partir des primates et que les premiers hommes semblent avoir eu très tôt l’espoir que la mort ne soit pas une fin absolue. L’idée de dieux ou d’un Dieu ne serait venue qu’ensuite.

  Dans cette ligne de pensée, la réflexion sur un au-delà nous paraît alors mener à une sorte d’impasse. Quelles espèces animales auraient-elles conscience d’un quelconque au-delà et en bénéficieraient-elles ? Ou plutôt aurions-nous, nous seuls hommes, la croyance en l’au-delà pour ces animaux que nous avons aimés, voire pour tout animal ?

  Nous sommes tentés de contourner le problème de cet éventuel au-delà en rappelant ce que le grand mystique rhénan Maître Eckhardt professait : « J’affirme que je possède déjà maintenant tout ce qui me sera accordé dans l’éternité. »

  La beauté du chant de l’oiseau est peut-être, à elle seule, l’essentiel de sa récompense.

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À propos Bernard Félix

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