L’ État chez lui, l’Église chez elle », proclamait Victor Hugo en 1850.
Le problème de la séparation des Églises et de l’État qu’on aurait pu croire résolu en 1905 en France ne cesse de réapparaître sous diverses formes : financement de l’enseignement privé, interdiction des signes ostensibles d’appartenance religieuse à l’école, problème du voile intégral etc. Certaines républiques islamiques (Afghanistan, Iran, Pakistan, Mauritanie) ont proclamé l’islam religion d’État et appliquent la charia, considérée comme supérieure à toute autre loi, ce qui peut conduire à des violations des Droits de l’Homme. De nombreux pays par le monde possèdent une religion d’État : l’islam en Arabie saoudite, Algérie, Maroc etc. ; le bouddhisme pour le Cambodge, la Birmanie, la Thaïlande etc. ; et aussi en Europe : l’orthodoxie en Grèce, l’anglicanisme en Angleterre et le luthéranisme en Norvège.
L’Histoire nous rappelle que c’est à partir de la conversion de l’empereur Constantin, en 312, que le christianisme s’est développé en Occident. Dans l’empire romain la religion apparaît comme un lien social et politique, qui fonde l’identité d’un peuple, sa culture, et en garantit cohésion et équilibre. Le christianisme devient alors religion d’État ; l’empereur incarne désormais « l’image de la monarchie céleste » (Eusèbe de Césarée, 265-340). C’est l’empereur Constantin qui va convoquer le concile de Nicée (325), imposer le symbole du même nom (le Fils est engendré du Père et non pas créé, comme le disait Arius) symbole qui sera contesté jusqu’en 379. À cette date, l’empereur Théodose 1er déclare que l’arianisme est un crime public et le concile de Constantinople (381) confirme Nicée. On voit ici comme le politique peut influer sur le théologique dans une religion d’État.
On sait la place que les protestants ont prise dans l’instauration de la séparation des Églises et de l’État, comme Ferdinand Buisson (E&L no 194), Alexandre Vinet (E&L no 231), etc. Mais ceci ne veut pas dire que les protestants se désintéressent du politique ou que, lorsqu’ils s’y intéressent, ils mettent leur foi « sous le boisseau ». André Gounelle, dans son livre Dans la Cité (éd. Van Dieren, 2002), précise le rôle de l’Église dans l’État : « Il revient aux Églises d’interpeller, de protester, d’inviter à la réflexion. Elles remplissent bien leur mission quand elles ne sont ni partisanes, ni neutres, et quand elles interrogent plus qu’elles affirment. Cette tâche difficile, elles ne l’accomplissent jamais de manière pleinement satisfaisante. […] Pourtant, si elles s’en dispensaient, elles rempliraient de manière encore plus insatisfaisante leur mission de témoigner de l’Évangile. »
Bernard Reymond, professeur émérite de théologie pratique à l’Université de Lausanne, nous propose ici une réflexion nuancée sur les christianismes gouvernementaux dans l’Histoire.
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