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La louange

Sans tomber dans le sentimentalisme ou la mièvrerie, la prière de louange ne serait-elle pas la prière par excellence ? Celle de la reconnaissance, de la gratuité de la grâce.

   La louange n’est pas le monopole des Églises évangéliques ; pas plus que l’intelligence et la raison seraient celui des libéraux… Mais il suffit pourtant d’évoquer ce mot de « louange » pour visualiser un culte évangélique, avec moult cantiques et autres prières « spontanées ». Je mets ce dernier mot de « spontanées » entre guillemets car je suis toujours frappé de voir combien ces prières se ressemblent. Elles sont le plus souvent composées de phrases toutes faites, valables en tout temps et en tout lieu… Elles ne sont sans doute pas si spontanées que cela. Quand on parle de « louange », je visualise aussi ceux que j’appelle les « dévisseurs d’ampoules », bras et mains levés qui se tournent (comme on dévisse une ampoule au plafond !) et clamant haut et fort (si possible très fort !) des mots incompréhensibles ou alors des mots du prêt-à-porter spirituel : Amen ! Alléluia ! Maranatha ! Le théologien G. Vahanian avait l’habitude de dire, sur un ton juste un peu caustique : « les Églises chantent “alléluia” quand elles n’ont plus rien à dire ! ». Caustique, mais vrai.

   Et pourtant, la « louange » devrait être au coeur de toutes les expressions de foi. De quoi s’agit-il ? Simplement de dire « merci ». La louange, c’est l’expression de la reconnaissance envers Dieu. Quelle plus belle prière que celle de reconnaissance ! J’avoue avoir toujours eu du mal avec les « prières de demande » : demander à Dieu de sauver le monde ou de guérir son voisin est pour moi une curieuse manière de se déresponsabiliser. C’est à nous de sauver le monde, de sortir des conflits qui ensanglantent notre planète. De plus, qui serait ce Dieu qui se fait prier pour agir ? Et pourquoi guérirait-il une personne malade et pas une autre ? Uniquement en fonction de nos prières ? Lourde responsabilité en perspective de celles et ceux qui « ne prient pas assez »…

   Devant tant de mystère, je préfère me définir comme « agnostique tendance croyant ». Autrement dit, je crois que Dieu agit même si je ne « sais » pas comment (sens du mot « a-gnostique » : ne pas savoir). En revanche, se dire après coup que Dieu a agi dans ma vie ou dans le monde me paraît possible. Cela relève du pari de la foi. Qui n’a jamais regardé en arrière et ne s’est jamais posé la question de savoir comment, d’une situation négative, a pu sortir du positif ? À la fin du livre de la Genèse, Joseph se fait reconnaître des ses frères. Ils sont soudainement écrasés par le poids de leur culpabilité de l’avoir abandonné quelques années plus tôt. Mais lui, devenu entre-temps vice-roi d’Égypte, leur dit : « Le mal que vous m’avez fait, Dieu l’a changé en bien. » La foi n’est pas une définition des critères d’intervention de Dieu, mais plutôt une lecture a posteriori des traces de Dieu dans nos vies. La louange c’est cela : une relecture et une reconnaissance.

   Aujourd’hui, dans notre monde où la reconnaissance laisse le plus souvent place à la défiance, la spiritualité nous ouvre cet espace où l’on apprend à comprendre, à décrypter… et à dire merci ! Alors oui, nos cultes devraient être entièrement tournés vers la louange. D’ailleurs, lorsqu’une personne dit merci à une autre, avez-vous remarqué que cela fait plaisir aux deux personnes ? Cela souvent provoque l’esquisse d’un sourire. Et si nos cultes devenaient alors souriants ? En bonne culture calviniste, le sourire et le plaisir sont parfois suspects… Et pourtant, qu’est-ce que l’Évangile sinon une « Bonne Nouvelle »… Soyons sérieux, intelligents : oui ! Mais, de grâce, avec le sourire…

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À propos Jean-Marie de Bourqueney

est pasteur de l’Église protestante unie. Il est actuellement à Paris-Batignolles. Il est notamment intéressé par le dialogue interreligieux et par la théologie du Process.

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