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Les « traces du sacré » dans notre monde

Nos contemporains semblent se détourner du matérialisme de la société de consommation comme aussi des institutions religieuses et de leurs dogmes, pour se tourner vers la mystique et des élans émotionnels très individuels.

   Le Centre Pompidou vient de présenter une importante exposition des « traces du sacré » dans l’art contemporain, toutes les marques laissées par le mystère de l’invisible dans notre monde.

   Alors que la pratique religieuse s’effondre, jamais on n’a autant pensé la spiritualité. Il faudrait remonter au temps de la Réforme pour trouver un tel intérêt. Il est typique que cette exposition qui, naguère encore, se serait tenue dans une église, ait présenté dans un musée national la spiritualité telle qu’elle se vit à l’extérieur des religions instituées.

   – Un tableau de l’expressionniste allemand Kirchner représentait la joie vivante d’une souriante jeune femme noire expliquée par une citation de Nietzsche : « Maintenant je suis léger, maintenant je vole, maintenant je me vois au-dessous de moi, maintenant un dieu danse en moi. »

   – Les puissants Minotaures de Picasso et les masques animistes africains expriment, eux, le culte païen de la vie que, dans les années 1970, Jean Cau et Louis Pauwels promouvaient, dans le Figaro-Magazine. (voir Le grand soleil, Julliard, 1981)

   – Le mysticisme intériorisé de Jean de la Croix qui, dans sa recherche désespérée de la présence de Dieu, butait sur le « vide » (nada en espagnol), qu’il appelait « la nuit obscure », était repris par un peintre contemporain, Thierry de Cordier, dans un grand cadre d’un noir luisant, avec le titre provocateur : « Grand, rien de la Croix (Nada) ».

   – Une jeune fille mignonne et sympathique, errant dans un paysage de montagnes aux arêtes tranchantes, figurait sans doute le sentiment angoissé d’une âme abandonnée à elle-même et réduite à chercher sans guide une voie qui peut-être n’existe pas.

   Les commissaires de l’exposition disaient qu’elle se situait « au terme de ce qu’on a coutume d’appeler le désenchantement du monde ». Et c’est bien, en effet, un monde profondément « ré-enchanté », qu’elle nous montrait, fort loin du nihilisme et du matérialisme du XXe siècle.

   – La spiritualité était toujours, depuis les Lumières du XVIIIe siècle, tissée d’un libéralisme doctrinal à dimension fortement sociale et charitable. Ainsi Jean- Jacques Rousseau écrivait en 1762 : « Je suis Chrétien, et sincèrement Chrétien, selon la doctrine de l’Évangile […] Mon Maître prescrivait moins d’articles de foi que de bonnes oeuvres […] car celui qui aime son frère a accompli la Loi. » (Lettre à Christophe de Beaumont, archevêque de Paris). Mais les choses ont désormais changé ; l’exposition faisait en effet état d’une élévation de pensée tout à fait individuelle et sans aucune préoccupation altruiste.

   – La spiritualité, révélée depuis le XIXe siècle par les écrivains romantiques et notamment par les peintres impressionnistes, était celle d’un panthéisme paisible, de la fusion avec Dieu dans les beautés et la grandeur de la Nature. Mais cette conception semble désormais étrangère à la pensée de nos contemporains ; les commissaires de l’exposition, en tout cas, ne nous en ont rien présenté.

   – Le grand absent est aussi le dolorisme catholique avec ses christs agonisants et ses croix sanguinolentes.

   Le « sacré » de cette exposition est celui d’une transcendance désincarnée. On est aujourd’hui, hélas, loin de la foi, de l’espérance et de l’amour qui suscitent un monde meilleur.

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À propos Gilles

a été pasteur à Amsterdam et en Région parisienne. Il s’est toujours intéressé à la présence de l’Évangile aux marges de l’Église. Il anime depuis 17 ans le site Internet Protestants dans la ville.

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