L’hiver dernier, quelques associations ont organisé à Paris une « nuit des sans-logis » : nuit de protestation, mais aussi de fête et de partage pour les exclus de notre société ; nuit d’interrogations peut-être pour ceux qui ne manquent de rien. Une seule « nuit des sans-logis », mais… 364 nuits de silence et d’indifférence !
On se sent toujours démuni face à l’ampleur du problème – des problèmes – que posent les « Sans Domicile Fixe ». Comment une société riche comme la nôtre peut-elle encore tolérer de telles conditions ? Que faire ? La réponse n’est pas évidente, mais elle n’est pas fermée : toutes les occasions doivent être saisies pour dénoncer ces situations et essayer d’y porter remède.
Le 21 février dernier, un collectif d’associations, autour des « Enfants de Don Quichotte », a organisé une manifestation pendant toute une nuit pour protester contre les conditions de vie des sans-logis. Cette manifestation s’est tenue place de la République à Paris. C’était une belle soirée. Sur le terre-plein central de la place, autour de la statue de la République, sont rassemblés les stands des associations : Emmaüs, le collectif des morts dans la rue, l’Armée du Salut entre autres ; la Fédération de l’entraide protestante, le Centre d’action sociale protestant (CASP) sont aussi représentés.
L’ambiance est bon enfant, la nourriture est distribuée gratuitement tout au long de la nuit par Emmaüs et l’Armée du Salut, on se retrouve les uns les autres avec plaisir. C’est davantage une grande kermesse qu’une manifestation. Musique de fond et orchestre de cuivres donnent un air de fête… ça sent la merguez, il y a de la fumée… un bol de soupe ou un tract, une discussion avec un inconnu. Sur un podium, des intervenants donnent leurs témoignages ; certains disent leurs souffrances, d’autres exhortent la foule à s’engager auprès des exclus. Pas de violence, de la dignité. La police aurait pu venir prendre un verre avec nous sans problème !
Habitant à la Bastille, les manifestations ne sont pas pour moi un sujet d’étonnement, tant il en passe tout au long de l’année. L’actualité ne relève plus ces mouvements de foule, ces défilés plus ou moins importants. Cependant, ce 21 février, la presse était là, et la nuit des sans-logis a eu les honneurs de l’actualité ! Pourtant, il n’y a pas eu de scandale, pas de casseur, pas de bagarre. Le sérieux de la manifestation, la gravité du sujet qui a réuni tous ces gens, l’ambiance, le symbole des couvertures de survie, autant de raisons qui font que la presse s’est intéressée à l’événement.
Hélas, les feux de l’actualité s’éteignent vite et les problèmes demeurent. La foule est nombreuse aux restos du coeur. Ici, on mange debout dans la rue ; pas de joie, les gens sont plutôt silencieux. Là, sous l’empire de l’alcool, un clochard s’est endormi le long du trottoir, sous les intempéries. Un autre s’installe dans un abribus avec son paquetage ficelé sur un caddie. Le soir, sous les porches, sous les tentes de la Croix Rouge le long des quais de la Seine, ils cherchent à dormir en paix. Et puis… on meurt dans la rue, la précarité rejaillit infailliblement sur la santé. On a du mal à imaginer combien l’état de santé des gens sans domicile est dégradé… Le scandale continue, véritable honte pour chacun d’entre nous. La mobilisation d’un soir est une embellie, mais elle ne doit pas faire illusion. Nous savons que certaines actions peuvent faire entendre la voix des « sans voix ». Associations laïques ou mouvements d’Églises doivent tout faire pour soutenir toute action de solidarité en faveur des plus démunis. Il est vrai qu’a lieu un débat dans l’Église entre ceux qui, se fondant sur les Actes des Apôtres, voient la diaconie comme une action visant à aider les membres des Églises en difficulté. Un autre courant, qui ne rejette pas l’entraide intra-Église, voit la diaconie comme une action qui peut s’exercer à l’extérieur de l’Église.
Si le principe de base de la Réforme « Ecclesia semper reformanda » (L’Église toujours à réformer) n’est pas un vain mot, ce principe ne s’applique-t-il pas au ministère diaconal, si cher à Jean Calvin ? Aider les parias de nos sociétés est un acte humain, c’est aussi un acte chargé de théologie signifiant aux plus pauvres qu’ils ne sont pas maudits, mais qu’ils sont des êtres humains, eux aussi aimés de Dieu
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