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La croix

Dans cette rubrique repenser, nous proposons une réflexion d’ordre catéchétique. Après l’Incarnation (n°217, mars), voici un autre article nous aidant à penser un christianisme pour aujourd’hui. La croix est un des symboles les plus importants du christianisme, longuement commenté par Paul. Mais la crucifixion de Jésus donne néanmoins lieu à diverses interprétations..

Les « Pharisiens » représentaient, au temps de Jésus, l’attachement à l’ordre moral. Ils concevaient la fidélité à Dieu comme l’obéissance aux 613 prescriptions de la Loi de Moïse. Jésus, qui faisait des guérisons le jour du sabbat, transgressait donc une des lois fondamentales. En guérissant, par exemple, l’homme-à-la-main-sèche (Luc 6,6 ss), il montrait que pour lui, la main d’un homme avait plus de valeur que le règlement le plus sacré. C’est la religion de l’« Homme » plutôt que la religion du « Livre ». C’est, notamment, à cause de cet acte, note l’évangéliste, que les pharisiens décidèrent sa condamnation.

Jésus aurait pu, à la veille de sa mort, chercher à négocier avec les pharisiens leur reconnaissance officielle, en échange de son abandon de ses deux idées fondamentales : d’une part, l’ouverture du Peuple saint, sans condition, à tous les hommes de la terre, d’autre part, la « grâce », c’est-à-dire la bienveillance systématique de Dieu offerte indépendamment du respect de la Loi sainte. L’importance du combat de Jésus, le sens qu’il prend pour nous, est justement d’être allé jusqu’au bout de l’amour créateur de Dieu en faveur de l’homme : c’est ce que signifie le symbole de la croix.

D’autres furent martyrs avant lui et après lui dans leur ardeur au service des hommes. Bonheur d’un monde où des hommes savent résister aux forces profanatrices d’humanité. Malheur d’un monde où ces horreurs se produisent. Mentionnons ainsi Gandhi, également assassiné, Martin Luther King et tant d’autres. La phrase du Psaume 22 que Jésus répétait en mourant : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » avait été priée depuis des siècles par quantité de martyrs dans le monde juif. Elle représente sans doute aussi de nombreux désespoirs du monde païen, comme celui des 6000 esclaves crucifiés cent ans avant Jésus, pour avoir cherché leur liberté avec Spartacus.

À tous ceux-là, et singulièrement à Jésus, Dieu ne pouvait que répondre : mon enfant, tu es allé trop loin, tu ne peux plus maintenant éviter ce drame qui se retourne contre toi.

Nous devons réagir contre l’idée élaborée au Moyen Âge par le grand théologien Anselme, archevêque de Cantorbéry (1033-1109). Dans un monde féodal fortement hiérarchisé, chacun s’efforçait de complaire à son suzerain et devait racheter ses manquements à son égard par des offrandes et des sacrifices. Anselme, dans ce contexte-là, était sensible au péché de l’homme, qu’il comprenait comme l’offense faite par ses vassaux au Dieu-suzerain. L’offense étant proportionnelle en gravité au rang de la personne offensée, seul un Dieu pouvait réparer une offense d’une gravité infinie. Seul l’Homme-Dieu pouvait, en se sacrifiant lui-même, apaiser l’infinie colère divine.

Cette ingénieuse théorie convenait bien à l’état d’esprit de l’homme du Moyen-Âge. Il y saisissait la réalité de sa réhabilitation. Elle apparaît aujourd’hui inacceptable à nos contemporains. Nous nous rebellons contre une telle notion d’un Dieu qui nous semble ombrageux et sanguinaire, et qui admet l’injustice de condamner un innocent à la place des coupables.

De plus, l’appel de joie adressé par Jésus à ses disciples, qu’il enrôlait dans l’enthousiasme du Monde Nouveau, n’avait rien de ce sombre drame qui se jouerait, selon Anselme, totalement indépendamment des hommes : Jésus s’offrant en sacrifice sur la croix pour apaiser un Dieu vengeur, les hommes n’étant que spectateurs lointains.

Dieu n’est pas celui qui aime voir couler le sang pour assouvir un besoin de justice ; ce sont les hommes et non pas Dieu, qui sont soulagés par les condamnations à mort !

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À propos Gilles

a été pasteur à Amsterdam et en Région parisienne. Il s’est toujours intéressé à la présence de l’Évangile aux marges de l’Église. Il anime depuis 17 ans le site Internet Protestants dans la ville.

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