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Éloge de la trahison

Peut-on vivre sans trahir ? La bonne morale a définitivement rangé la traîtrise du mauvais côté, celui des actes condamnables. Pire, elle l’a associée à une forme de lâcheté ou d’arrivisme exacerbé. Il est vrai que la politique nous révèle son cortège d’hommes-girouettes, naviguant au gré de leurs ambitions personnelles de pouvoir. L’autre jour, je discutais avec mes enfants du film (du « phénomène ») que nous venions de voir : Avatar. Le héros, un G.I., finit par trahir les « siens » (les humains) pour sauver son « nouveau peuple » où il rencontre l’amour. Scénario simpliste ? Peut-être, mais qui pose une question juste : peut-on, et parfois doit-on, trahir ? L’un de mes fils, qui pourtant admirait ce héros, était quand même étonné de cette « trahison »… Ce qui est curieux c’est que tout le monde s’accorde pour dire que la traîtrise est une chose mauvaise, et que tout le monde admire les héros, imaginaires ou même réels, qui, pour une noble cause, trahissent « les leurs »… Qui oserait condamner moralement les officiers allemands qui tentèrent de tuer Adolf Hitler ? Contradiction de nos valeurs ?

  La morale n’est pas toujours celle d’un Bien ou d’un Mal, cernables, définissables, identifiables, conceptualisables. Les valeurs ne sont pas figées. Dans le livre de l’Exode, le verbe hébreu « loun » signifie « murmurer », avec une forte connotation de « protester ». Mais il signifie aussi « demeurer », « s’arrêter ». Autrement dit, dès que le mouvement s’arrête, je râle, je proteste… et je meurs… Le mot même « Hébreux » signifie « ceux qui ont traversé »… L’identité, personnelle ou « nationale », est un mouvement !

  La morale a deux moteurs : la liberté et la responsabilité. On ne peut les dissocier. La traîtrise peut parfois être une conséquence de cette liberté et de cette responsabilité. Devant l’inacceptable, dois-je rester enfermé dans ma « condition », mes « origines », mon « milieu »,… ? Ne puis-je pas, au contraire, « transgresser » ces frontières ? Transgresser, c’est déjà un peu trahir…

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À propos Jean-Marie de Bourqueney

est pasteur de l’Église protestante unie. Il est actuellement à Paris-Batignolles. Il est notamment intéressé par le dialogue interreligieux et par la théologie du Process.

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