Le temps nous est bien cher, et nous hésitons trop souvent à le « gaspiller ». Pourtant, c’est le temps seul qui permet la rencontre et l’échange. Le temps est un des présents les plus précieux que nous puissions offrir aux autres, et particulièrement à ceux qui sont dans la détresse.
Donner du temps au temps ». Depuis qu’un certain Président de la République française a utilisé cette formule, elle s’est un peu usée, mais n’en demeure pas moins intéressante… Le temps, c’est une richesse, et sa bonne gestion encore plus !
Le monde de l’exclusion, qui a souvent du temps à dépenser, vit surtout dans l’oisiveté et l’ennui, beaucoup plus que dans la dépense d’un temps précieux qui pourrait aider à « se reconstruire », comme on dit.
Donner du temps pour l’autre semble une évidence et pourtant… Devant combien de mendiants passonsnous chaque jour sans nous arrêter, sans donner une seconde de notre temps qui, pour l’autre, peut représenter un moment d’éternité ? Il n’est pas question ici de culpabiliser qui que se soit. Je suis moi aussi prisonnier d’un temps qui court à toute vitesse et que nous maîtrisons si mal… Pourtant dans le domaine qui nous intéresse ici, c’est le temps passé à rencontrer l’autre qui compte le plus.
Donner du temps à un mendiant, c’est arrêter notre vie pour lui – une parenthèse. Cela commence par un regard, le voir est une chose, s’arrêter et le regarder en est une autre ; le voir est lié au temps qui passe, fugace et insaisissable, le regard s’attache au temps arrêté, au temps éternité. Le regard enveloppe l’autre de mansuétude, de compassion, il permet de mesurer l’autre, ses besoins, ses attentes, son espoir. Regarder et s’approcher, aller vers, détourner sa route, abandonner celle qu’on suivait à la hâte ou en rêvant. Se donner aussi soi-même, c’est se détourner de sa route comme le fit le Samaritain de la parabole.
Rencontrer le regard de l’autre, y voir la profondeur de l’humain, l’éclat d’une vie, pouvoir y lire une partie de son histoire. Ce n’est déjà plus le clochard en haillons, l’ivrogne malpropre ou le professionnel de la manche… Non, c’est un être humain qui est là, un autre comme un frère, un peu de mon humanité qui est là aussi.
C’est la rencontre qui est intéressante et elle prend forme ici par un sourire et quelques banalités sur le temps toujours trop froid ou toujours trop chaud. La parole, même toute simple, vient combler un espace et crée un lien. Les signes, gestes, paroles donnent du sens à ce temps offert qui brise pendant quelques instants les murs de la solitude, ces murs qui enfermentl’autre dehors comme l’exprime si bien ce terrible mot d’ « exclusion » !
Il reste encore le geste… une pièce de monnaie… peut-être… Mais là n’est pas le principal. Le geste qui compte est celui qui tend une main pour recevoir une autre main, le contact physique. Le corps médical sait combien un contact physique avec un malade peut être apaisant. Il en est de même avec les gens de la rue. Par ce nouveau signe à leur égard, ils savent qu’ils ne sont pas des pestiférés ou des maudits. C’est un des secrets de l’action de Jésus et de bien d’autres qui connaissent la portée d’un geste, d’un contact qui sauve.
Dans ces conditions, l’au-revoir n’est pas un adieu. Mais une promesse d’un nouveau temps partagé. Ce temps ne coûte rien, il est gratuit, il est signe d’une générosité. C’est peu à peu, instants partagés après instants partagés, de rencontres en rencontres, que peut se tisser un lien fondé sur la confiance avec ceux qui sont seuls. C’est là seulement, dans ces moments offerts, dans ces temps suspendus, qu’un véritable échange peut se passer et que l’exclu peut sentir qu’il est réellement inclus dans le monde de l’humain.
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