S’intéresser à l’autre, non pour le convertir, mais parce qu’il est différent, professe le père capucin Domenico Bertogli : « Si les croyants en Dieu n’étaient pas capables de marcher ensemble, cela serait bien triste .»
Originaire d’Émilie-Romagne, le capucin Domenico Bertogli est prêtre catholique en Turquie depuis 1966. Après un poste à Izmir, Il fut muté à Antakya (Antioche) en 1987. Ce fut alors un long travail de la mise sur pied d’une paroisse par le dialogue oecuménique avec les communautés monothéistes : presbytérienne coréenne (environ 30 personnes), orthodoxe grecque (900), israélite (30) et musulmane (majorité).
Antioche, lieu mythique important, cité dans le Nouveau Testament, fut le « poste de commandement » de l’évangélisation du bassin méditerranéen avec la marque des apôtres Pierre, Paul de Tarse et Barnabé. Les chrétiens actuels sont en majorité des locaux qui habitent Antioche depuis plusieurs siècles. Ils étaient surtout composés d’Arméniens catholiques avant que la province d’Hatay (capitale Antakya) ne fasse partie de la Turquie. Une grande partie de cette communauté arménienne migra alors vers la Syrie, le Liban ou l’Europe. « Notre arrivée à Antioche date de 1977, raconte Domenico Bertogli. Nous étions alors sous l’autorité d’un évêque siégeant à Damas. À cette époque, les relations entre la Syrie et la Turquie étaient tendues, et il fallait distinguer les deux pays dans leurs complexités administratives. Nous nous sommes établis, sans le savoir, dans l’ancienne Antioche romaine et dans l’ancien quartier juif. Nous nous trouvons exactement dans le lieu décrit par la Bible. La maison privée dans laquelle nous avons établi notre église date de 200 ans. C’est symbolique, quand on sait que les premiers chrétiens d’Antioche se réunissaient dans des maisons privées qu’on appelait des “maisons d’église”. Notre installation a suscité la curiosité de notre entourage. En voyant le résultat des travaux, d’autres initiatives similaires furent lancées, comme celle de la future synagogue. Les médias découvrirent que cesmaisons étaient très belles et nous firent de la publicité. Aujourd’hui, beaucoup de Turcs viennent visiter nos locaux, ils posent des questions sur notre religion et nous pouvons leur dire quelle est notre foi, mais sans argumentation. »
Le père Bertogli poursuit : « Une grande étape pour la communauté chrétienne d’Antioche a été 1992, année où fut ouvert un bureau de Caritas en collaboration avec la communauté orthodoxe. Le 29 juin de chaque année, une célébration oecuménique a lieu. Elle se tenait d’abord dans la grotte de Saint-Pierre (celle des premiers cultes de l’apôtre…), perchée sur une colline dominant la ville. Mais de fréquentes chutes de pierres obligèrent à transférer nos cultes communs dans l’une ou l’autre de nos églises. Il est arrivé que des orthodoxes viennent participer à des partages de lectures de la Bible avec nous. Au début, certains étaient réticents, craignant le prosélytisme de notre part. Par la suite, ils se sont rendu compte que nous ne cherchions pas à les convertir. Le patriarche orthodoxe vint spontanément nous rendre visite et nous remercie aujourd’hui de nos efforts de rapprochement entre chrétiens. Si des chrétiens n’étaient pas capables de marcher ensemble, cela serait bien triste ! »
« Le début de notre démarche oecuménique fut motivé par un compromis nécessaire de la célébration de Pâques, explique Domenico Bertogli. Beaucoup de nos paroissiens vivent en couples mixtes. À la création de notre communauté, cela posait des problèmes. Dans un même couple, l’un célébrait le carême quand l’autre faisait la fête. Nous sommes parvenus à obtenir une dérogation spéciale du Vatican afin de coordonner nos calendriers. »
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