Exercer l’autorité implique d’en reconnaître son caractère fragile et relatif. C’est à vouloir se guérir de cette vulnérabilité essentielle, et croire pouvoir le faire, qu’elle dégénère en pouvoir autoritaire et mortifère. Pour conjurer ces tragiques dérives, je pense que l’exercice de l’autorité doit toujours assumer deux dimensions.
La première c’est la force d’énonciation et de persuasion de ceux qui personnellement ou collégialement l’exercent. On voit bien comment l’autorité passe par le charisme des personnes, leur qualité relationnelle, le courage et la cohérence de leurs engagements, la crédibilité de leur parole. Ainsi on attend du prédicateur une capacité d’écoute et une parole convaincue dans laquelle il se risque, de l’homme politique un projet visionnaire nourri de convictions fortes.
La deuxième dimension c’est tout ce qui contribue à faire de l’autorité, une autorité partagée impliquant une dimension coopérative. Elle s’exprime à travers les lieux de débats, les références traditionnelles, les médiations institutionnelles. C’est-à-dire tout ce qui protège l’exercice de l’autorité des dérives personnelles, des débordements subjectivistes, des autoritarismes abusifs, sous couvert parfois de prophétisme.
Ces deux dimensions sont indispensables parce qu’elles se corrigent mutuellement. La première, si elle est seule, va prendre la figure du chef qui se coupe des citoyens, ou celle du gourou qui ne s’appuie plus sur aucune régulation institutionnelle et qui joue sur le registre de la séduction et de la manipulation. Quant à la seconde, en l’absence de la première, elle risque de faire dériver l’exercice de l’autorité vers la seule conservation d’un pouvoir, réduit à son expression institutionnelle, administrative ou bureaucratique.
On perçoit l’actualité des enjeux liés à cette articulation, au plan ecclésial, comme au plan politique. Elle protège l’autorité de ses dérives et lui permet de renouer sans cesse avec son étymologie : être capable de faire grandir.
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