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3. Une autorité paradoxale

Si le pouvoir peut s’instaurer par la contrainte, l’autorité revendique toujours une légitimité. Ainsi, ce qui constitue sa force fait aussi sa fragilité, car elle court toujours le risque de ne pas être reconnue. Tant que son droit à s’exercer n’est pas mis en cause, il n’y a pas de problème, mais dès qu’il y a difficulté ou conflit, la question de sa légitimité surgit. « L’individu le plus doué d’autorité commence à balbutier si on lui demande d’où, de qui il tient son autorité », écrit Paul Ricœur. Il y a là une sorte de point aveugle qui rend toute autorité vulnérable : au nom de qui, au nom de quoi s’impose-t-elle ?

Tel est d’ailleurs le piège tendu à Jésus par ses adversaires. « Ils lui disaient “En vertu de quelle autorité fais-tu cela ? Ou qui t’a donné autorité pour le faire ?” » (Mc 11,28). Ils contestent son autorité en posant la question de sa source. Jésus leur répond en leur posant à son tour une question, c’est-à-dire en laissant ouverte l’interrogation, en s’exposant à ce que sa propre autorité ne soit pas reconnue, en assumant cette fragilité. C’est pourquoi, il refuse de résoudre le paradoxe de l’autorité en se référant à une tradition ou à une institution, ou en s’enfermant dans une autojustification autoritariste.

Jésus ne trouve pas en lui la source de son autorité. Il renvoie à un Autre que lui-même, qui l’autorise à parler et à agir, qui le rend libre vis-à-vis des pouvoirs de ce monde. Cette autorité et cette liberté à l’égard des tabous religieux et des règles sociales vont susciter inquiétude et scandale chez les « autorités » de son temps.

Un lourd potentiel polémique qui aboutira à sa conséquence ultime, la mort sur la Croix. C’est là pourtant, dans ce qui, à vues humaines, est un échec tragique, que se manifeste l’autorité paradoxale de Dieu. En Christ, sa Parole rejoint ce qui n’a plus droit à l’existence, ce qui est rejeté par le monde. De ce lieu d’extrême faiblesse, elle appelle à la vie et à un avenir renouvelé, par-delà toutes les morts.

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À propos Michel Bertrand

Après différents ministères dans le Sud-Est, le pasteur Michel Bertrand 3 a été président du Conseil national de l’Église réformée de France puis professeur de théologie pratique à la faculté de théologie protestante de Montpellier.

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