Le théologien protestant Dietrich Bonhoeffer (1906-1945) estime qu’idéaliser l’Église, c’est la faire courir à sa perte. Bonhoeffer invite à en prendre conscience.
On ne saurait faire le compte des communautés chrétiennes qui ont fait faillite pour avoir vécu d’une image chimérique de l’Église. Certes, il est inévitable qu’un chrétien sérieux apporte avec lui, la première fois qu’il est introduit dans la vie de la communauté, un idéal très précis de ce qu’elle doit être et essaye de le réaliser. Mais c’est une grâce de Dieu que ce genre de rêves doivent sans cesse être brisés. Pour que Dieu puisse nous faire connaître la communauté chrétienne authentique, il faut que nous soyons déçus, déçus par les autres, déçus par nous-mêmes. Dans sa grâce, Dieu ne nous permet pas de vivre, ce serait-ce que quelques semaines, dans l’Église de nos rêves, dans cette atmosphère d’expériences bienfaisantes et d’exaltation pieuse qui nous enivre. Car Dieu n’est pas un Dieu d’émotions sentimentales, mais un Dieu de vérité. C’est pourquoi seule la communauté qui ne craint pas la déception qu’inévitablement elle éprouvera en prenant conscience de toutes ses tares, pourra commencer d’être telle que Dieu la veut et saisir par la foi la promesse qui lui est faite. Il vaut mieux pour l’ensemble des croyants, et pour le croyant lui-même, que cette déception se produise le plus tôt possible. Vouloir à tout prix l’éviter et prétendre s’accrocher à une image chimérique de l’Église, destinée de toute façon à se « dégonfler », c’est construire sur le sable et se condamner, tôt ou tard, à faire faillite.
De la vie communautaire, Labor et Fides / Le Cerf, Genève / Paris, 1997, pages 21, 22.
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