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Faire de la théologie !

À travers leur histoire, les libéraux ne se sont pas toujours souciés des questions ecclésiales. Il y avait à cela une bonne raison : dès ses origines, le libéralisme s’est clairement positionné en faveur de l’autonomie de l’individu face au groupe. Et nous avons eu raison ! L’individu reste irréductible à toute autre réalité et c’est le sens-même de l’Évangile que de marteler cette liberté première : « C’est pour la liberté que Christ nous a affranchis. Demeurez donc fermes, et ne vous laissez pas mettre de nouveau sous le joug de la servitude. » (Galates 5,1) Car ne nous leurrons pas : la route de la servitude demeure une tentation, aujourd’hui comme hier. Face à un monde déchiré et confus, il est tentant de voir dans l’Église une sorte de refuge face à une réalité dont le sens nous échappe. C’est là la principale raison qui fait que nous devons nous soucier des débats régionaux et nationaux autour de ce qu’est l’Église et de ce que sont les ministères qui la servent : nous ne devons pas laisser s’imposer dans le discours général de notre Église des logiques d’isolement communautaire drapées dans le voile aguicheur de la « croissance » ecclésiale. Percevoir la société comme « extérieure » à l’Église et envisager de « capter » certains de ses membres pour en faire des cotisants de l’Église, cela n’a jamais été la logique du protestantisme. Depuis ses origines, sa vocation est au contraire de porter, au cœur-même de la société, une parole de liberté qui permette aux individus d’avancer dans leur compréhension d’eux-mêmes et du monde en les plaçant face à Dieu – et qu’ils soient membres de l’Église ou non ! Mais cela suppose de comprendre ce que nous entendons lorsque nous parlons de Dieu, du monde ou de l’Église. Et cela implique donc de prendre le temps de la réflexion et de la méditation – bref, nous devons faire de la théologie ! Bien sûr, c’est là une voie qui n’a rien d’évident ni de facile, surtout si l’on tient à la transcrire dans la réalité des ministères de l’Église. Mais c’est la seule qui soit honnête intellectuellement parlant, en particulier dans un monde qui voit le triomphe de ce qu’Olivier Roy appelle la religion sans culture.

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À propos Pierre-Olivier Léchot

est docteur en théologie et professeur d’histoire moderne à l’Institut Protestant de Théologie (faculté de Paris). Il est également membre associé du Laboratoire d’Études sur les Monothéismes (CNRS EPHE) et du comité de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français (SHPF).

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