Modéré

 

« C’est un musulman modéré » entend-on parfois. J’ai aussi entendu dire, pour rassurer : « Il est catholique mais pas pratiquant ». Les croyants, pour ne pas faire peur, pour être acceptés dans des groupes d’amis ou dans la société en général, devraient être pondérés, ne pas montrer trop d’enthousiasme, ne pas prier trop souvent, ne pas avoir d’avis tranché. La neutralité, la tiédeur, de la part d’un croyant, seraient bienvenues. Et évidemment, il faut se conformer à l’attente à la mode en ce moment, à tel point qu’elle fait l’objet de sondages : « faire passer les lois de la République avant les convictions religieuses ». Heureusement que certains croyants se sont assis sur des lois immondes de Vichy. Alors pourquoi opposer les deux ? Derrière cette question, on sait bien qu’il y a par exemple les situations de femmes voilées malgré elles, ou ces cas d’hommes faibles dans leur virilité et dans leur foi qui refusent de serrer la main d’une femme parce qu’elle est femme. Mais regrouper toutes ces questions dans un Gloubi-boulga dénommé « convictions religieuses », quelle idée étrange !

En fait, il faudrait que tous les croyants montrent patte blanche à cause de personnes qui détournent leur religion pour faire vivre des cauchemars éveillés à leurs concitoyens. Et parce que la puissance publique n’est pas capable de régler la situation, il faudrait que nous tous, croyants, nous fassions preuve de mesure quand il en va de notre foi. Voilà bien une attente que nous sommes libres d’ignorer. La vie de foi n’est pas une marotte qu’on peut mettre de côté et personne ne peut nous intimer l’ordre de garder nos convictions religieuses pour nous-mêmes, arguant que la foi est une question intime. Tout est théologique. Les actions quotidiennes, les décisions que nous prenons, peuvent être issues de nos convictions chrétiennes. Ma foi guide mes pas, que je sois chez moi ou dans la rue. Elle commande ma manière de me comporter avec mes prochains, elle me fait tenir debout. Ma foi est à la source de ma lecture du monde. N’imaginez pas qu’elle soit modérée, n’imaginez pas qu’elle reste au placard.

 

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À propos Abigaïl Bassac

est titulaire d’un master de l’École Pratique des Hautes Études (section des sciences religieuses) et étudiante en master de théologie à Genève. Elle est assistante des enseignants à l’Institut Protestant de Théologie et directrice de la rédaction d’Évangile et liberté.

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