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L’anticonformisme est un conformisme

 

Avoir du toupet pourrait conduire à un comportement qui consisterait à prendre systématiquement le contre-pied de la tradition, de la majorité, du dernier qui a parlé. Dans ce cas, ce toupet serait un anticonformisme qui dit, pense et fait automatiquement le contraire de la pensée que l’on juge dominante, de ce que l’on estime être le conformisme. Or, le caractère automatique est extrêmement problématique car il indique l’absence de toute pensée personnelle. L’anticonformisme, en s’opposant systématiquement au conformisme devient à son tour un conformisme puisqu’il s’aligne toujours, de manière négative, sur la position qu’il entend critiquer. Si le conformisme est à rejeter parce qu’il élimine toute divergence, toute alternative qui peut être, pourtant, porteuse d’une plus grande vérité ou d’une plus grande vitalité, il n’est pas à remplacer par l’anticonformisme qui n’offre aucune altérité, aucun caractère inattendu, bien au contraire. Quel intérêt à écouter quelqu’un qui, nous le savons à l’avance, dira blanc quand nous aurons dit noir ? Quel intérêt à écouter une opposition politique qui exprimera toujours un désaccord avec la majorité pour justifier son existence politique ? Quel intérêt à écouter un croyant qui dira toujours le contraire d’un athée pour défendre sa foi ?

Comme toute pensée forgée contre une autre pensée, l’anticonformisme ne fait que suivre l’air du temps qu’il entend pourtant contester. Cela n’apporte rien à la discussion, au débat, à la vie. Et cela n’offre aucune liberté puisque notre vie, notre manière de nous habiller, les films que nous verrons, les artistes que nous aimerons ou que nous détesterons, ne seront pas le résultat de notre réflexion personnelle, de notre jugement, mais le choix contraire à celui opéré par ceux dont on veut se démarquer. Autrement dit, l’anticonformisme n’est qu’une soumission à l’ordre que nous voulons refuser ; ce n’est qu’un algorithme qui attribue la valeur opposée à tout ce qui lui passe sous la main.

Jésus n’a pas cherché à faire le malin en prenant le contre-pied de ceux qui détenaient le pouvoir religieux, le pouvoir politique ou celui de la violence. S’il n’a pas manqué de toupet, c’est au sens de l’audace dont il a fait preuve pour faire valoir une justice divine dans des situations où il n’y avait plus de place pour autre chose que la norme derrière laquelle tout le monde se rangeait bien trop sagement. Jésus a incarné cette folie, véritable trace de sa liberté, qui a rompu avec l’ordre établi qui n’était plus qu’un désordre. Il ne s’est pas contenté de fréquenter les gens de mauvaise vie comme l’aurait fait un anticonformiste, il a aussi mangé avec des pharisiens, il a pris la demande d’un officier romain au sérieux, il n’a pas fait preuve d’indifférence à l’égard des scribes. Jésus n’a pas dit l’inverse des lecteurs de la Bible de son époque, mais il a fait le travail d’interprétation qui était nécessaire pour en retrouver l’esprit fondamental – parfois, en prenant le contrepied de mauvaises interprétations, parfois en radicalisant des lectures qui étaient bien faibles au regard de la portée d’un texte.

L’obéissance aveugle à des règles est le véritable problème soulevé par Jésus qui a su exprimer que la loi est faite pour l’homme et non l’inverse. En conséquence de quoi l’anticonformisme qui est l’obéissance aveugle à la règle qui veut qu’on dise ou fasse toujours le contraire n’a rien d’évangélique et n’offre aucun degré de liberté. La folie dont a fait preuve Jésus, cette folie dont l’apôtre Paul a vu dans la croix le point culminant, est cette liberté à l’égard de ce qui est convenu, attendu, conforme. La folie de Jésus a déstabilisé là où l’anticonformiste n’étonne personne. La folie de Jésus a donné à penser et à espérer, là où l’anticonformisme ne suscite plus qu’une indifférence sans gêne. Parce que la folie de Jésus était le fruit d’une pensée absolue et non d’une pensée construite en fonction de ce que les autres pensaient. Le véritable toupet, la véritable liberté, c’est de se tenir devant l’idéal de vie que Dieu symbolise et d’inventer la vie qui va avec.

À lire les articles de Jean-Pierre Capmeil   » Le toupet théologique ADN partagé des libéraux de toutes les religions monothéistes «   et de Pauline Bèbe  » Le toupet face à Dieu  » 

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À propos James Woody

Pasteur de l'Église protestante unie de France à Montpellier et président d'Évangile et liberté, l'Association protestante libérale.

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