Le livre que Jean-Serge Kinouani, professeur d’Ancien Testament au Congo-Brazzaville, vient de consacrer à Ismaël, le fils qu’Abraham eut de sa servante Agar, passionnera tout autant les amoureux du texte biblique que les chrétiens soucieux de dialogue interreligieux.
Trop souvent, la lecture chrétienne des chapitres de la Genèse concernant Ismaël a suivi aveuglément l’interprétation allégorique de Paul dans l’Épître aux Galates : une présentation tout à fait dévalorisante d’Ismaël, « fils de la servante », « né selon la chair » – alors qu’Isaac serait le « fils de la femme libre », « selon la promesse de Dieu ». Dans cette perspective, Ismaël – le père des peuples arabes et par contrecoup de l’Islam – serait le symbole de la Loi du Sinaï, la Première Alliance « qui enfante pour la servitude », alors qu’Isaac serait le symbole de la grâce libératrice.
Jean-Serge Kinouani a considéré à juste titre qu’il fallait reprendre le dossier sans a priori, et il nous accompagne dans une lecture aussi minutieuse qu’érudite des textes bibliques, pour aboutir à une image beaucoup plus positive d’Ismaël et de sa mère Agar. Selon lui, Ismaël peut bel et bien être considéré comme un véritable patriarche, héritier comme Isaac de la promesse que Dieu fait à Abraham : « En toi seront bénies toutes les nations de la terre » – ce que peut symboliser la présence d’Ismaël aux côtés d’Isaac lors des funérailles d’Abraham ou encore le récit de sa fin de vie qui reprend mot à mot l’adieu aux autres patriarches (Gn 25, 9 et 25, 17) : « Il fut réuni à ses pères ».
Et tout cela, pour la belle et simple raison qu’en dépit des replis identitaires parfois violents, toute une spiritualité, toute une théologie au sein du Peuple de l’Alliance considère que le Dieu d’Israël est le Dieu de tous les peuples. Ainsi, comme Paul l’affirmera plus tard, tous les croyants – chrétiens, juifs comme musulmans par conséquent – sont des enfants d’Abraham ! Ajoutons que le livre représente un beau travail éditorial ! L’auteur a réussi à produire un ouvrage d’accès aisé à partir du texte ardu d’une thèse de doctorat, ce qui est déjà une performance ! De plus, grâce au DEFAP, le service protestant des missions, la « publication papier » est complétée d’une publication électronique qui reprend l’intégralité du texte de la thèse : les biblistes professionnels ou amateurs y trouveront notamment l’étude détaillée du texte hébraïque qui étaye rigoureusement l’argumentation de l’auteur.
Jean-Serge Kinouani, Ismaël, Un patriarche inattendu, Lyon, Olivétan, 2019, 150 pages.
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