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Le Requiem de Terezin de Josef Bor

Il est des livres qui à tout jamais viennent modifier votre appréhension d’une œuvre. Jusque-là, vous écoutiez avec une certaine sérénité ce Requiem sublime que Verdi avait composé pour son ami Manzoni.

Et puis, un jour, vous trouvez en librairie, un tout petit livre : Le Requiem de Terezin, écrit par un certain Josef Bor. Josef Bor fut interné à Terezin en 1942 et assista, en 44, aux répétitions du Requiem de Verdi, qui d’abord furent clandestines, puis admises par Eichmann lorsque la Croix-Rouge annonça une « inspection ». Les nazis eurent le temps de massacrer les malades, repeindre les façades, faire un improbable film de propagande (Hitler donne une ville aux Juifs), et organiser deux représentations artistiques devant une Croix-Rouge crédule : Brundibar, opéra pour enfants, chanté par des enfants, et le Requiem de Verdi.

Seul survivant de sa famille, Josef attendra les années 60 pour écrire et publier son livre. On est tout au long du livre bouleversé par la motivation du chef d’orchestre (Schächter) alors que les convois pour Auschwitz partent chaque jour du camp, emmenant parfois ses musiciens et chanteurs ; bouleversé également par la foi de ces artistes désespérés, terrorisés, affamés, portés par un texte qui prend ici toute son ampleur, et par le cynisme d’Eichmann, qui leur avait promis « de ne jamais les séparer » et tint parole: ils furent acheminés, eux et les enfants de Brundibar, à Auschwitz.

Ce qu’Eichmann n’avait pas compris, c’est l’intelligence du projet de Schächter : « démontrer l’aberration des notions de races supérieures, de sang pur, grâce à la musique, cet art qui peut-être mieux que tout autre pouvait révéler la valeur authentique de l’homme (…) Cette musique italienne, composée sur un texte latin, inspirée par des prières catholiques, serait interprétée par des chanteurs juifs, des musiciens de toutes nationalités (…) ; exécutée dans un ghetto et dirigée par un chef d’orchestre athée ».

Relativité des appartenances religieuses ou philosophiques face à l’essentiel, à l’indicible. Tragique communion des esprits et des cœurs. Jamais, depuis la lecture de ce livre, je n’ai pu écouter le « Lacrymosa » sans pleurer…

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À propos Catherine Durig

est professeur d’éducation musicale. Elle s’intéresse à l’histoire des idées et aux rapports entre les arts et la spiritualité.

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