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Des moyens pour en sortir

 

Intervenante théâtre, depuis 2009, dans des lycées professionnels et pour la protection judiciaire de la jeunesse en région Parisienne, j’ai été confrontée lors d’improvisations à des propos laissant apparaître ce que j’appelle une forme de radicalisation. Celle-ci n’implique pas un engagement vers le djihadisme. C’est une radicalisation qui s’immisce dans la vie quotidienne. Les jeunes gens remettent en question les règles instaurées par la République, principalement la laïcité et l’égalité femmes/hommes.

En manque de repères, d’engagements citoyens ou humanitaires, ils utilisent l’islam comme support de valeurs. Un islam arrangé à leur sauce, faute de réelles connaissances du Coran pour la plupart d’entre eux. En fait ils prennent ce qui les arrange pour s’octroyer un pouvoir sur « l’autre » notamment sur les femmes. Se posant en victimes de notre société dans laquelle ils ne se sentent pas reconnus, et n’ayant pas de références historiques et sociétales, ils prennent pour héros Youssouf Fofana du gang des barbares, Mohamed Mérah, auteur des attentats de 2012 et les auteurs des attentats de 2015, ainsi que des rappeurs appelant à la violence. Les propos qu’ils tiennent ne viennent pas en particulier de ce qu’ils entendent chez eux, mais plutôt de prédicateurs qui tournent dans les quartiers défavorisés et surtout d’internet.

Mes ateliers théâtre au départ sont des ateliers « prise de parole en public ». Lorsque les propos prennent une tournure ne respectant pas les valeurs républicaines, je choisis une situation et ils font une nouvelle improvisation qui doit être argumentée. S’appuyant sur les sites complotistes, leurs arguments sont basés sur des clichés et des stéréotypes. Le théâtre leur donne la possibilité de se mettre à la place de l’autre, d’avoir des émotions, de développer leur sens critique, de confronter des idées, d’acquérir des savoirs, de découvrir les ressemblances et d’accepter les différences. Les improvisations sont suivies d’un temps de ressenti personnel et d’un débat. Cela permet de déconstruire leurs arguments de départ et d’en développer d’autres. Cela ne se fait pas en une seule fois, il faut du temps et un climat de confiance. En fin d’année scolaire, la plupart des élèves ont acquis des compétences leur permettant une remise en question. Lors des attentats de 2015, j’ai demandé aux élèves non pas ce qu’ils pensaient, mais ce qu’ils ressentaient. Première réponse : « rien ». Et petit à petit, les mots sont arrivés : peur, « bien fait pour eux », triste, heureux, colère, inquiet, content, fier, peiné pour les familles, énervé, angoissé. La plupart des jeunes gens sont centrés sur leurs propres problèmes, ils n’ont pas l’habitude de se mettre à la place de l’autre. Le théâtre leur offre cette possibilité.

À lire l’article de Guillaume Monod « Sortir de la crise djihadiste »

 

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À propos Samira Karmicz

est intervenante théâtre depuis 2009 dans des lycées professionnels et pour la protection judiciaire de la jeunesse en région Parisienne. Ses engagements politiques et humanitaires d’adolescente l’ont amenée à vivre ses convictions et ses rêves, à participer au changement de nos sociétés en alliant l’art, la culture et la pédagogie.

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