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Le martyre et l’éros

 

Une question qui se posera toujours est celle du « martyre » ou comment considérer la personne qui souffre ou meurt pour attester de la vérité de sa foi ?

Ignace, l’évêque d’Antioche (IIe siècle) mort en martyr, pourrait bien nous éclairer sur le sens théologique du martyre (étym. témoignage), inséparable d’ailleurs de celui de l’amour. Tout l’héritage culturel chez lui est comme relégué au second plan par son amour brûlant du Christ et sa soif du martyre. Aux chrétiens de Rome tentés d’intervenir auprès des autorités romaines pour lui épargner le martyre, il écrit : « Que rien, des êtres visibles et invisibles, ne m’empêche, de trouver le Christ […] Il est bon pour moi de mourir pour m’unir au Christ Jésus, plus que de régner sur les extrémités de la terre. C’est lui que je cherche, qui est mort pour nous ; lui que je veux, qui est ressuscité pour nous. Mon enfantement approche. » (Lettre aux Romains, 5, 3-6)

Cette ferveur s’exprime en des paroles ardentes, jaillies sous le souffle de l’Esprit Saint, et qui rappellent le style des Odes de Salomon, œuvre pseudépigraphique chrétienne, de provenance syrienne, elle aussi, et fortement marquée par la tradition issue des Esséniens : « C’est bien vivant que je vous écris, ayant l’éros de mourir. Mon éros a été crucifié, et il n’y a plus en moi de feu pour aimer la matière ; mais il est en moi une eau vive qui murmure et qui dit au-dedans de moi : Viens vers le Père. » (Lettre aux Romains, 7, 2)

« Mon éros a été crucifié » : les traducteurs modernes donnent ici au mot éros le sens de « désir terrestre », « convoitise ». Mais Origène (185-253), né à Alexandrie, sans doute l’une des plus grandes figures, quoique parfois controversée, du christianisme a, dans le Prologue au Cantique des cantiques, appliqué cet éros au Christ lui-même ; les Pères de l’Église feront de même et ont compris : « Celui que j’aime passionnément a été crucifié ». C’est pourquoi, à partir d’Ignace, le terme d’éros sera employé dans la littérature chrétienne comme un équivalent d’agapè, « charité », mais avec une nuance d’ardeur et de passion transfigurée, voyant dans cet amour la force unificatrice par excellence. Comment interpréter cette « soif du martyre » aujourd’hui ?

 

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À propos Goran Sekulovski

Docteur de l'Université Paris 1, il a effectué des études postdoctorales à l'Université de Genève. Actuellement il est en charge de la gestion des données de la recherche à l'Université Paris 8.

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