La revue Golias est souvent qualifiée par ses adversaires de « catholique contestataire » ; mais sa pensée ne se résume pas à un anticléricalisme systématique ! (Un goliard, au Moyen Âge, était un étudiant plus ou moins en rupture avec l’Église.) Si ses différentes publications sont très réactives à l’égard de l’actualité politique, sociale, culturelle, ecclésiale, elles développent aussi une réflexion théologique originale qui n’est pas sans analogie avec le protestantisme libéral. On en jugera sur cet extrait d’une conférence de son rédacteur en chef.
On pourrait parler d’une « nature diasporique » du christianisme actuel : les chrétiens d’aujourd’hui sont dans une situation analogue à celle des juifs de la « diaspora » qui, dans l’Antiquité, étaient dispersés aux quatre coins du monde connu, et s’efforçaient de vivre leur foi loin de Jérusalem, en plein monde païen. De fait, le christianisme n’est plus aujourd’hui une réalité psychosociologique : un groupe humain bien visible et repérable. N’en déplaise à l’intégrisme qui se cramponne à un modèle de chrétienté totalement dépassé et refuse par principe la modernité, force est bien d’accepter le réel tel qu’il est et d’y chercher la chance d’une vie plus évangélique.
Pour ce faire, il est indispensable d’abandonner l’insistance obsessionnelle de l’Église catholique à imposer son identité spécifique à toute l’humanité. Il est instructif, lorsqu’on relit les Actes des apôtres, de constater que les disciples de Jésus-Christ ne se sont pas souciés d’emblée d’un particularisme identitaire. C’est à Antioche (Ac 11,26) que, pour la première fois, on leur donne le nom de chrétiens. Autrement dit, cette désignation leur est venue de l’extérieur, du monde païen sans doute ; mais elle a l’avantage de les situer par rapport à « Celui qui les convoque ». Les chrétiens d’aujourd’hui peuvent s’en inspirer : ils ne purifieront leur foi qu’en regardant et en écoutant les hommes les plus éloignés des réalités chrétiennes. C’est de l’extérieur que vient la possibilité de nommer Jésus-Christ. […] Si l’on y songe, ce qui fait le chrétien, c’est la contestation du besoin d’identité. […] Bien loin d’être une société close sur elle-même, l’Église doit devenir le lieu où l’on essaye de s’ouvrir à autrui, en renonçant à être une forteresse sociologique, dogmatique, voire en se perdant radicalement.
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