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Un droit au suicide ?

Plusieurs histoires récentes de malades demandant que l’on mette fin à leurs jours ont bouleversé l’opinion. Deux médecins, le Dr Bernard Devalois, médecin d’Unité de soins palliatifs et le Pr Louis Puybasset, anesthésiste-réanimateur, donnent un avis distancié sur ce problème délicat.

   L’émotion suscitée par la médiatisation de la situation tragique de Mme Sébire a, une nouvelle fois, permis de déplorer un certain nombre d’approximations sur un débat de société important. Une grande confusion est malheureusement entretenue autour des « affaires » destinées à « relancer le débat sur l’euthanasie ». Il convient de bien distinguer trois problématiques différentes.

   La première est celle de l’acharnement thérapeutique (les affaires V. Humbert ou H. Pierra, par exemple). Il est primordial de faire reconnaître le droit des patients à refuser des soins qu’ils considèrent comme inutiles ou disproportionnés. La loi du 22 avril 2005 – dite loi Leonetti – est une réponse législative claire à ces questions. Elle impose aux médecins de respecter la volonté des malades en ce domaine. Elle institue des outils permettant de mettre en oeuvre ce principe lorsque le patient n’est plus en état de décider pour lui-même (procédure collégiale, concertation d’équipe, directives anticipées, désignation d’une personne de confiance, avis de la famille et des proches). C’est le système juridique le plus avancé au monde dans ce domaine. Un problème demeure : cette loi n’est ni assez connue, ni bien appliquée.

   Une autre problématique est celle de la phase ultime, agonique, de la vie. En 2007, un médecin a été reconnu coupable d’avoir abrégé la vie d’une malade moribonde. La phase agonique, qui peut durer plusieurs jours, est d’autant plus difficile à supporter pour le patient et ses proches, que les symptômes ne sont pas correctement pris en charge (douleur, essoufflement, angoisse, etc.) et qu’un accompagnement adapté n’est pas mis en oeuvre. Certains proposent de mettre en place des procédures légales qui permettraient aux médecins de raccourcir cette phase ultime par la pratique d’injections létales. De nombreux arguments, mis en avant par les professionnels de santé plaident contre cette solution, mais plutôt pour une meilleure formation et une augmentation des moyens pour les soins palliatifs.

   Non concernée par ces deux problématiques, Mme Sébire réclamait, en fait, le droit pour son médecin de mettre fin à ses jours, car elle ne souhaitait ni se suicider elle-même, ni accepter les traitements susceptibles de lui procurer un soulagement. Elle exigeait de la société, touchée par sa situation, un « droit au suicide ». Mais, en écartant un moment le rideau de l’émotion, que découvre-t-on ? Que la demande ainsi adressée à la société est inopérante au regard des problèmes soulevés. Si notre société mettait en place un tel droit, chaque citoyen pourrait exiger « d’être suicidé à sa demande ». Autrement dit : faites moi ce que je n’ose pas me faire à moi-même. Comment ne pas voir le caractère contradictoire d’un tel transfert sur autrui de la responsabilité première de chacun sur lui-même ? Le suicide doit rester la quintessence de la liberté individuelle. Ce serait dévoyer toute notre philosophie politique et juridique, héritée des Lumières, que d’en faire un nouveau « droit à » opposable.

   C’est donc bien à un débat beaucoup plus dérangeant encore qu’il n’y parait que nous sommes conviés. Il convient d’y faire bien réf léchir nos concitoyens et leurs responsables politiques afin d’éviter des chantages compassionnels du type : « Si le cas de Mme Sébire vous a touché, alors vous approuvez la cause qu’elle avait décidé de défendre. »

   Vouloir à tout prix mettre en avant des drames humains, afin de faire croire à la nécessité de substituer un nouveau droit au suicide à l’actuelle liberté de se suicider, est pour nous une erreur. Cela créerait de graves problèmes, aux impacts trans-générationnels complexes, sans régler pour autant ceux qui se posent aujourd’hui. Notre société doit être capable de trouver des solutions raisonnables, tant par la loi qui pose des limites, que par la réflexion collégiale pour affronter les situations exceptionnelles.

   À la dictature des passions, nous préférons le règne de la raison.

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À propos Dr Bernard Devalois

Dr-Bernard.Devalois@evangile-et-liberte.net'

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