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Pauvreté d’hier

En voyant les SDF qui peuplent nos rues, on imagine facilement qu’ils ont existé de tout temps. Oui, la pauvreté a toujours existé ; mais les pauvres n’ont pas toujours été aussi rejetés et mal traités. Le statut du pauvre évolue… mal !

Il n’est pas de société qui ne connaisse pas la pauvreté. « Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous. » (Mt 26,11) Cette parole de Jésus se vérifie, hélas, tout au long de l’histoire. La définition de la pauvreté varie selon les époques, mais elle préoccupe toujours. « Du pain et des jeux » des Romains au R.S.A. (Revenu de Solidarité Active) d’aujourd’hui, on a toujours essayé d’encadrer la pauvreté. Les pauvres, prolétaires, exclus sont toujours un danger potentiel réel ou supposé. Les jacqueries du Moyen Âge, le mouvement d’Étienne Marcel à partir de 1356, la guerre des paysans en Allemagne (1525), les révoltes des prolétaires du XIXe siècle, entre autres, sont là pour rappeler ce danger. Pourtant il fut des époques où les pauvres n’ont pas été vus de manière négative, en particulier au Moyen Âge malgré ce qui vient d’être souligné.

 L’Europe chrétienne s’est intéressée aux pauvres à chaque époque de l’histoire. Dès l’origine de l’Église l’évêché a été un lieu connu comme lieu d’accueil pour les nécessiteux. La question de savoir si l’entraide était interne à l’Église ou bien ouverte ne s’est pas posée à ce moment-là. Les invasions ont eu pour résultat de déstructurer l’Europe et de jeter sur les routes une masse importante de pauvres, de déracinés. Malgré les lustres de l’Empire carolingien, la limite de survie est proche pour tous, les famines sont nombreuses. L’Église organise la charité : le pauvre est une image du Christ souffrant ; pour cela il mérite le respect et l’accueil. Il a sa place dans l’Église. Le pauvre à l’époque romane n’est pas un exclu, il fait partie intégrante de la société.

 Peu à peu le rôle du pauvre sera plus important, passif dans un premier temps, il devient actif : il participe au salut des gens. Question fondamentale dans une société aussi religieuse que celle du Moyen Âge. L’aumône est une participation au salut. Elle est organisée et gérée par l’Église et permet une réelle efficacité dans l’aide envers les plus pauvres. L’Hôtel-Dieu – l’hôpital – créé et géré par l’Église avant de devenir « laïc » à la fin de l’époque médiévale, est le lieu par excellence des pauvres. Ici ils sont reçus et soignés. Nourris aussi par l’Église. Les pauvres sont connus, encadrés. Certains ont des méraux pour se faire connaître. Surtout, les pauvres ont un rôle social très important autour des enterrements. Ils sont régulièrement couchés sur les testaments, le défunt effectuant ainsi son salut en faisant oeuvre de charité posthume. Cette coutume a été pratiquée dans toutes les couches de la société, même les milieux modestes ! En contrepartie, les pauvres assistent aux funérailles et prient pour le mort.

 L’Église va plus loin. Nombreux sont les prêches qui insistent sur la justice sociale et donc accompagnent l’action sociale des religieux. Mais surtout les ordres mendiants dominicains et franciscains montrent l’intérêt que revêt une certaine pauvreté pour la spiritualité et le salut. Les mouvements millénaristes et pré-réformateurs

– Pauvres de Lyon (Vaudois), Hussites, les Lollards, etc.

– montrent combien les pauvres sont importants et combien ils ont rendu les gens sensibles à un discours qui tient compte de leur existence.

 Ainsi, avec plus ou moins de bonheur, les sociétés ont essayé de « faire face » aux différentes vagues de pauvreté : fin des invasions, Guerre de Cent ans, ou effet à retardement de la peste.

 Aujourd’hui nous sommes face à une nouvelle vague de pauvreté : celle des immigrés et des jeunes chômeurs de longue durée. Pauvreté accompagnée de fléaux comme la drogue. Le drame vient du fait que les anciennes recettes du type quotas d’immigrés ou encadrement social ne suffisent pas. L’exemple du Moyen Âge est ici intéressant car la société de l’époque a su donner un statut aux pauvres, un rôle important comme on l’a vu. À l’époque, en aucun cas le pauvre n’est vu comme un exclu ou un S.D.F. Question fondamentale car la dignité de l’être passe par une reconnaissance, un statut, une inclusion dans la société.

  Quel est le statut des pauvres aujourd’hui ? * 

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À propos Vincens Hubac

est pasteur de l’Église protestante unie de France au Foyer de l’âme, à Paris. Il est engagé dans la diaconie et intéressé par le transhumanisme.

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