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Oslo, 31 août. Le poids de la fatalité

Pierre Nambot nous présente ce film récent, pessimiste, qui développe la thèse d’une recherche de perfection autodestructrice. Ce film très esthétique est une oeuvre profondément humaine

  En 1963 Louis Malle réalise une adaptation cinématographique du roman de Pierre Drieu La Rochelle Le Feu follet. Aujourd’hui c’est le cinéaste Joachim Trier qui nous en propose une version libre et saisissante.

  Pour les Scandinaves, le 31 août annonce la fin de l’été et l’arrivée de l’interminable et mélancolique hiver. La polyphonie du prologue, composé des murmures de la ville, de bribes de conversations, de souvenirs, d’espoir, donne une perception schizophrénique. Cette « banlieue de l’Europe » revêt un aspect d’antan auquel se mêle le spectre de la destruction illustré par un immeuble qui s’effondre. L’avenir est présenté sous un angle pessimiste : un monde riche gavé de nombreux plaisirs, qui fait rêver les Norvégiens mais qui est potentiellement rempli d’ennui et de nombreux drogués.

  Ce regard très particulier est celui d’Anders, jeune homme séduisant, en fin de cure de désintoxication. Le jour de sa première sortie, il se dirige vers une rivière. Pense-t-il alors à Virginia Woolf ? Comme elle, il veut se noyer mais son instinct de survie domine. Alors, le spectateur abasourdi, en alerte, est soumis à une alternance de crainte et d’espoir.

  Anders se rend en ville pour un entretien d’embauche. Ce rendez vous se solde par un échec car il fuit toute responsabilité et désire avant tout une liberté absolue. Dans une mise en scène qui rappelle le style d’Antonioni, Trier le montre déambulant dans les rues avec un sourire mélancolique et le regard perdu. Le souvenir des opportunités manquées, des personnes qu’il a déçues, le hante. Les tentatives de renouer avec sa famille et ses amis restent infructueuses. Il rencontre son ami Thomas, marié, père de deux enfants. Ils parlent de Proust, du temps qui passe et de l’échec. Anders lui dit : « J’ai 34 ans et je n’ai rien ». La réponse de Thomas, « Je joue à la PlayStation avec ma fille », amène Anders à rejeter cette forme d’intégration à la vie moderne. Il traîne dans les bars, observe, s’insinue dans les conversations, imagine leurs prolongements ; son esprit gomme la frontière entre le réel et l’imaginaire. En proie à la nostalgie d’un monde qu’il ne retrouvera pas, Anders est « une branche morte d’un arbre généalogique qui pouvait le faire grandir jusqu’au ciel ».

  Joachim Trier a réalisé une oeuvre d’une grande beauté humaine et artistique : les plans remarquables, l’interprète (Anders Danielson Lie) fabuleux, les sons et les images se « percutent » en symbiose avec l’esprit chaotique du personnage. Il explore de façon magistrale l’âme tourmentée d’un être et dénonce un monde actuel sans espoir, sans amour, qui n’offre le plus souvent que des palliatifs sans lendemain. Ce jeune homme possède tous les atouts pour être heureux mais il est aspiré par le néant qui conduit à la mort.

   On pourrait illustrer ce cas par l’expression évangélique « perdre son âme » ; une vie vaut la peine d’être vécue quand elle reçoit « sel » et « lumière » et que l’habite ou l’anime non la fin de l’été, mais une « nouvelle naissance ».

  Soyons compatissants et attentifs à ceux qui nous entourent afin d’éviter ce type de situation et leur montrer que la vie réserve aussi de la joie et du bonheur, encore faut-il savoir les saisir.

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