L’argent facile… une tentation pour les personnages du film « Easy money », qui est sorti récemment en France. Un film sombre, violent, sauvage, qui se déroule dans le milieu du grand banditisme suédois.
Le film « Easy Money » incite le cinéphile à évoquer l’époque du roman et du film noirs. Au cours des années 1930-1940, les oeuvres des écrivains américains tels Dashiell Hammett, Raymond Chandler, Mickey Spillane détrônent les romans policiers et les thrillers pour donner naissance à un nouveau genre de romans appelés « romans noirs » par les intellectuels français ; certains ont été édités dans « La série noire » ce qui prête parfois à confusion avec les romans policiers. Leur adaptation à l’écran a donné naissance aux films noirs qui ont marqué le cinéma jusqu’aux années 1960.
Actuellement, des cinéastes comme Scorsese, les frères Cohen, reconnaissent l’influence de ce genre dont les caractéristiques semblent avoir été un peu oubliées. Le film noir n’est ni un film policier, même s’il recourt à son ambiance, ni un thriller. Son origine est d’ordre sociétal ; l’effondrement de la bourse et la crise économique, la deuxième guerre mondiale et ses conséquences remettent en cause les valeurs défendues jusque là par les héros : les notions de bien et de mal, le triomphe d’une justice irréprochable, la valeur intrinsèque de la bonté humaine. Il en découle une réflexion sur la société, une introspection qui conduit à la culpabilité et parfois au châtiment. Il ne s’agit pas uniquement d’histoires de gangsters, d’amours impossibles accompagnées de coups de feu et de violence mais d’individus, ou de groupes d’individus, qui partent en quête d’un idéal, s’enfoncent irrémédiablement dans un cauchemar et échouent en s’autodétruisant. Complexe, la personnalité du malfaiteur mérite d’être analysée. Il veut être libre, agit pour changer de vie et s’oppose à toute soumission, quitte à se confronter à la mort.
Le contexte dans lequel se déroulent les actions du film « Easy Money » nous plonge dans celui des films noirs. En quelques séquences, le cinéaste suédois Jens Lapidus, positionne ses personnages et affiche des situations paradoxales qui font de Stockholm une ville comme les autres. J.W., un étudiant issu de la classe moyenne, ambitieux et naïf, s’aventure chez les gangsters et signe un pacte avec le diable. Jorge, un dealer en cavale, fuit la police et la mafia yougoslave ; il veut faire un dernier coup avant de prendre le large. Mrado, un tueur à gages, est chargé d’espionner Jorge. Ils se rencontrent, se découvrent une passion commune, celle de l’argent. Leurs projets illusoires et diaboliques s’effondrent et se retournent contre eux. Ils perdent tout, constatent les conséquences de leurs gestes et réalisent tardivement l’existence des vraies valeurs et de l’attention qu’il convient d’accorder à nos proches.
Le film aborde les problèmes actuels des pays occidentaux : immigration, trafic de drogue, crise financière et économique, décomposition des élites, logements insalubres des grandes villes… Le thème de cette jeunesse, qui fait trop souvent la une de l’actualité, a été abondamment abordé au cinéma, mais le réalisateur suédois fait un tableau hallucinant de cette descente aux enfers. Le film noir se démarquait du documentaire, ici il le complète.
Il ne s’agit nullement d’un film réjouissant, mais n’est-il pas nécessaire de considérer le monde tel qu’il est ? « L’enfer, c’est les autres », comme disait Sartre dans Huis clos avec toute l’ambiguïté de la formule : si pour chacun le malheur arrive par autrui, c’est aussi parfois le juste aboutissement de notre enfer intérieur inexpliqué, cette « puissance des ténèbres » dont Paul dit que Dieu délivre l’homme.
C’est un thème difficile et le film « Easy money » nous interpelle et nous incite à réfléchir.
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