Beaucoup d’images d’Épinal environnent Henri IV : la poule au pot, ses nombreuses conquêtes féminines, ses multiples conversions (« Paris vaut bien une messe »), l’Édit de Nantes, et son assassinat par Ravaillac. Philippe Vassaux nous rappelle l’histoire de ce roi protestant.
Fils de l’inconstant Antoine de Bourbon et de Jeanne d’Albret, la digne reine de Navarre, Henri IV a été élevé dans le calvinisme par sa mère qui l’a confié à un précepteur, le pasteur La Gaucherie, qui ne semble pas avoir exercé une forte influence sur son élève. Henri IV cependant a fait preuve de bonnes connaissances bibliques lors de sa conversion au catholicisme. Il est sans doute difficile de comprendre la situation religieuse des hommes de cette époque, issus d’une Église toute puissante et attirée par le vaste mouvement de la Réformation. Si vous visitez le château de Pau, où est né Henri de Navarre en 1553, le guide vous dira qu’il est mort dans la religion dans laquelle il a été baptisé, ce qui est parfaitement exact car Jeanne d’Albret, à la naissance de son fils, n’a pas encore rejoint les rangs de la Réforme.
La conversion d’Henri IV laisse rêveur. Baptisé catholique, élevé dans la foi réformée, il redevient catholique sous l’influence de son père en 1562. Il se fait à nouveau protestant la même année à la mort de celui-ci. Sitôt loin de la cour, il s’empresse en 1576 de révoquer son abjuration et prend la tête du parti protestant. Le pape Sixte Quint l’excommunie comme relaps et hérétique en 1585. Henri IV comprend que sa religion est le seul obstacle qui subsiste entre lui et le pouvoir. Il abjure solennellement le protestantisme en la basilique de Saint-Denis en 1593, se fait sacrer à Chartres en 1594. Il n’a manifestement pas une piété assez vive pour s’exposer à nuire à ses intérêts politiques. Le choix d’une religion semble plutôt une affaire de politique que de conscience, même s’il lui est arrivé de déclarer qu’il n’a abandonné l’Église Réformée que par force et qu’il a toujours professé les doctrines réformées dans son coeur. Il est évident qu’Henri IV est resté attaché à une politique pacifique. L’Édit de Nantes de 1598 reconnaît le catholicisme comme religion d’État, mais accorde des privilèges importants aux protestants. Henri IV gagne l’adhésion de ses sujets par sa simplicité, sa bonhomie, par ses aventures galantes plus faciles à pardonner dans la religion catholique que chez ses compagnons réformés, surtout par son austérité naturelle et sa vivacité d’esprit. Il accomplit en quelques années un redressement spectaculaire du pays sur le plan économique et financier.
Son assassinat, il y a exactement 400 ans, alors qu’il se rend au chevet de son ami Sully malade, à Paris le 14 mai 1610, rue de la Ferronnerie, par Ravaillac, un fanatique catholique, a sans doute été inspiré, ou du moins encouragé par des milieux favorables à l’Espagne ou proche de la reine Marie de Médicis. Au milieu de toutes les intrigues de la cour, il sait qu’il ne peut compter que sur son vieux compagnon Sully, le ministre le plus efficient qui est pour beaucoup dans la relative prospérité du royaume, Du Plessis-Mornay, l’habile diplomate, la Noue, Turenne, Agrippa d’Aubigné, tous vaillants soldats restés d’une fidélité indéfectible à la foi réformée et qui le considèrent comme leur chef, mais non comme leur maître.
Le parti catholique a vraisemblablement redouté une nouvelle conversion du versatile Henri IV dont la politique intérieure est fondée sur une entente avec les calvinistes et la politique extérieure sur son accord avec les princes protestants d’Allemagne contre l’Espagne et l’Empire habsbourgeois. Henri IV sait que ses meilleurs alliés sont ses anciens compagnons d’armes huguenots, auxquels il est resté malgré tout attaché. Le plus populaire des rois de France s’est peut-être souvenu, avec une pointe de nostalgie, d’avoir chanté avec ses soldats à la bataille de Coutras le verset 12 du psaume CXVIII « La voici l’heureuse journée », signal d’un combat qu’il a mené toute sa vie.
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