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Le rythme des saisons et le calendrier des fêtes chrétiennes

Dans une perspective écologique, aujourd’hui décisive, Robin Sautter, en reconnaissant la validité d’un calendrier liturgique et cultuel, parfois contesté par les Réformés, calendrier rythmé par les grandes fêtes chrétiennes, estime que ces fêtes devraient être mieux reliées aux saisons. Cela nous permet d’en avoir une compréhension non pas exclusivement ecclésiale, mais aussi en lien avec la nature.

  Au XVIe siècle, les Réformateurs, et en particulier Calvin, ont simplifié drastiquement l’année liturgique, c’est-à-dire le calendrier des différentes fêtes chrétiennes, pour recentrer chaque culte et chaque célébration sur le Christ et l’annonce de sa résurrection. Par un abus de fêtes votives et notamment par une trop grande proximité avec la nature, le christianisme était accusé d’encourager le paganisme et l’idolâtrie.

Mais voilà, notre contexte n’est pas celui du XVIe siècle dans lequel la société agricole rythmait la vie des humains, avec une emprise excessive sur leur liberté. Nous ne sommes pas non plus à l’époque de Moïse quand il fallait protéger le peuple du paganisme de ses voisins en lui annonçant : « Veille sur ton âme de peur que, levant les yeux vers le ciel, et voyant le soleil, la lune et les étoiles, toute l’armée des cieux, tu ne sois entraîné à te prosterner en leur présence et à leur rendre un culte. » (Dt 4,19) Dans ces deux contextes, il s’agissait de rappeler constamment que si nous nous sentons petits devant la nature, devant sa force et devant sa fragilité, Dieu est toujours plus grand qu’elle puisqu’il en est le Créateur. Aujourd’hui, cette même nature fragilisée peut retrouver une place importante dans notre compréhension des fêtes chrétiennes, non pas en la divinisant, mais en en faisant une réalité à vivre aussi bien dans notre quotidien que dans nos fêtes chrétiennes.

Nous vivons au XXIe siècle, un siècle qui cherche son espérance, qui cherche son avenir et qui a perdu tout bon sens par rapport à son environnement. Dans ce siècle, le corps tend à s’effacer derrière des prothèses techniques de plus en plus envahissantes, de plus en plus aliénantes, de plus en plus néfastes pour notre corps. Mais de même que l’arbre doit plonger ses racines dans la terre pour monter vers le ciel, de même notre vie entière ne peut s’épanouir que si elle s’incarne dans un corps avec son environnement. Une cité, quelle qu’elle soit, a besoin d’une nourriture qui vient de la campagne ; elle a besoin d’une eau potable, elle a besoin d’un air respirable. Qu’il le veuille ou non, l’être humain vit en interaction constante avec son environnement. Qu’il le veuille ou non, l’être humain fait partie de l’environnement dans lequel il vit ; mais c’est bien l’être humain, en réalité, qui constitue d’abord l’environnement des autres créatures ! La planète Terre n’est pas seulement un formidable réservoir économique de matière première, elle fait aussi tout simplement partie de notre vie.

L’idolâtrie qui menace aujourd’hui notre foi n’est plus l’adoration de la nature, mais un certain scientisme, c’est-à-dire cette religion qui nous fait croire que le corps et la planète Terre ne sont que des réceptacles grossiers dont on pourrait aisément se passer : le progrès nous permet de faire pousser des fraises en hiver, les centrales nucléaires nous fournissent suffisamment de courant pour éclairer toute la France pendant la nuit, l’avion et le téléphone portable permettent de s’affranchir de toutes les distances. Au contraire, dire que nous n’avons qu’une seule planète à disposition, rappeler que toute vie humaine est limitée et qu’elle est rythmée par des saisons qui nous échappent ne relève pas de l’idolâtrie païenne, mais bien d’une attitude évangélique de respect vis-à-vis du Créateur. Nous avons suffisamment de recul aujourd’hui pour constater les dégâts d’une foi aveugle dans le progrès.

Je plaide donc pour la mise en pratique de l’année liturgique, mais en y ajoutant une dimension encore trop peu explorée ou peu assumée : sa concordance avec le rythme des saisons.

Cette année est dominée par le temps de Pâques, temps des printemps toujours renaissants, temps de la vie qui jaillit et rejaillit. La croix se dresse comme principe et comme accomplissement de la foi. C’est le temps des cerises qui concentre les luttes et les victoires, c’est par la joie de ce temps que peut être transcendée la pesanteur de l’histoire et de tous ses déterminismes.

Vient ensuite l’été avec le temps de l’Église, comme on le désigne communément. Depuis l’Ascension, l’avenir est désormais entre les mains des hommes. D’autres ont semé, Dieu a fait grandir, mais maintenant il faut retrousser ses manches et participer à la moisson.

Puis la belle saison laisse la place à l’automne, un temps qui n’existe pas dans notre liturgie en trois temps (Pâques, Noël, Église) et qui pourtant est bien présent dans la vie quotidienne et dans celle des l’Églises. Ce temps est aux portes de l’hiver : l’homme doit lutter pour engranger des réserves et tenir jusqu’aux prochaines récoltes. La nature, si généreuse au printemps, devient oppressante et source d’angoisse. On se souvient des morts, on regarde le temps qu’il va faire avec inquiétude. C’est à cette époque que les orthodoxes célèbrent la Création et que les protestants commémorent, avec la fête de la Réformation (célébrée soit le dernier dimanche d’octobre soit le premier de novembre) la Réforme de l’Église. L’automne prend alors la forme d’un temps de louange au Dieu créateur : Soli deo gloria (À Dieu seul la gloire) ! En détruisant la Création, en absolutisant l’Église, l’homme trop orgueilleux a voulu faire ombrage à Dieu. Cette saison rappelle le besoin d’une réforme d’une Église trop sûre d’elle et de ses traditions. Le Conseil Œcuménique des Églises (désigné souvent par les initiales COE) a choisi d’appeler cette période « le temps de la Création ». C’est là une initiative bienvenue. L’automne aussi a droit à une place dans nos rythmes cultuels.

Le temps de Noël, enfin, surgit comme un temps d’espérance. Au coeur de l’hiver et de nos ténèbres, il nous fait entrevoir l’aube d’une terre nouvelle et de nouveaux cieux. L’attente n’est plus comprise comme une fatalité ou comme une punition, mais comme un temps à habiter pour faire de la place à Dieu. Le dépouillement de l’hiver est à l’image des renoncements nécessaires pour bâtir une alliance nouvelle, capable de nous sortir de nos égoïsmes et de nous mettre en marche avec Dieu et au coeur du monde. L’attente de Noël, l’attente de la fête ou l’attente de la lumière sont autant de lieux pour parler de l’attente du règne de Dieu, attente active qui nous oriente vers un avenir prometteur et cela dans le chantier d’un monde à construire.

Je crois que c’est en s’appuyant sur le rythme des saisons, en assumant notre incarnation et la dimension cyclique de toute vie biologique que nous pouvons prêcher un Évangile qui libère des pesanteurs infernales, qui transcende l’Histoire et qui réconcilie les actions des hommes avec celles de Dieu. Le chemin que je propose ici n’est pas un retour nostalgique vers le jardin d’Éden ou je ne sais quelle réserve naturelle et merveilleuse, il est au contraire l’attente active et confiante de ce règne de Dieu dans lequel l’arbre de vie donnera du fruit et cela pendant chacun des douze mois de l’année.

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À propos Robin Sautter

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