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La voix d’un prédicateur s’est éteinte : Christian Mazel (1919-2013)

  Quelques mois après Solange, son épouse, c’est Christian Mazel qui nous a quittés, le samedi 9 novembre. Nous les savions profondément unis, si bien qu’à la tristesse que nous éprouvons se mêle le soulagement que Christian n’ait pas souffert trop longtemps de cette situation, ni de son état de santé qui s’était dégradé.

  L’annonce de sa mort a suscité des témoignages de reconnaissance de la part de ceux qui furent ses paroissiens. Nous rappelions en avril le parcours qui conduisit les Mazel aux États-Unis puis au Chambon-sur-Lignon avant qu’ils gagnent Paris où Christian allait être pasteur à l’Oratoire du Louvre durant vingt-quatre ans. Ce fut certainement le moment capital de son ministère, faisant de la chaire de l’Oratoire le lieu où il engageait tout son être pour que l’Évangile ne reste pas une parole complexe ou obscure. Il avait un réel talent pour manier les images qui rendaient cette Parole accessible à tous. Cela n’adoucissait en rien ses convictions qui jaillissaient de la chaire pour ressusciter l’assistance. Un jeune conseiller presbytéral me confiait sa surprise en découvrant Christian le prédicateur, retraité depuis quelques années déjà, marqué par l’âge, mais transcendant sa condition physique parce qu’il n’y avait qu’une évidence à laquelle se soumettre : l’Évangile doit être offert dans toute sa clarté et toute sa vigueur. Sa prédication était faite de mille touches différentes offrant finalement un ensemble cohérent pareil à un tableau impressionniste.

  Retraité, Christian accepta de devenir rédacteur en chef d’Évangile et liberté. C’était en 1988, à un momentoù il fallait donner un nouveau souffle à notre revue. C’est ce qu’il fit, s’efforçant de faire droit à toutes les expressions spirituelles qui permettaient de rendre le monde un peu plus humain et, surtout, fraternel. Car la question de la fraternité l’obsédait. Est-ce une part de l’héritage qu’il reçut de Martin-Luther King ? Il eut en effet la joie de le rencontrer (cf. E&L n° 221, août-septembre 2008). Par-delà sa responsabilité au sein du protestantisme libéral, par-delà le souci du nombre de fidèles et de lecteurs, ce sont des hommes et des femmes qui retenaient son attention. Christian était sensible et prenait soin de connaître ceux qu’il rencontrait et d’aller à la découverte de leur monde. Il entretenait une belle relation, souvent épistolaire, avec chacun. Fin 2003, lorsqu’il passera la main à une nouvelle équipe conduite par Laurent Gagnebin et Raphaël Picon, il apportera non seulement son soutien moral, mais aussi ses encouragements et l’expression indéfectible d’une fidèle et chaleureuse reconnaissance.

  Cela, les paroissiens de la région d’Apt où Christian et Solange s’étaient installés ont pu le découvrir et en bénéficier. Christian rendait bien des services parmi lesquels animer une étude biblique oecuménique où le prêchi-prêcha n’avait pas cours. Avant que sa santé décline, il lui arrivait de participer aux pastorales du Consistoire, toujours intéressé par les idées nouvelles, et les dialogues. Mais nous ne saurions réduire Christian à ces fonctions. Il était fier et heureux de ses quatre filles Catherine, Geneviève, Dominique et Odile, de leurs compagnons, enfants et petits-enfants dont il racontait les hauts faits, chaque année, dans ce qu’il nommait « la saga familiale ». Se réjouissant de tout ce qui leur permettait de profiter de la vie et de s’engager d’une manière ou d’une autre, Christian avait gardé ce timbre de voix clair pour raconter les merveilles familiales. Chère famille, nous voulons vous dire à quel point Christian a compté pour nous, à quel point il a compté pour ces générations dont il s’est occupé, y compris au centre social La Clairière où il ne manquait pas de raconter la Bible. Souvenons-nous de ce qu’il nous écrivait il y a un an : « Le meilleur est à naître, le vrai Noël n’est pas derrière nous, mais devant nous. Les étables de fortune (ou d’infortune !) sont partout dans le monde. Quels bergers, quels mages les visiteront ? »

  La voix du prédicateur Christian vient de s’éteindre. Nous en sommes tristes. Mais des dizaines d’autres voix résonnent désormais grâce à la sienne. Il nous a donné les moyens pour qu’à cette question qu’il nous posait à Noël dernier, nous répondions, chacun à notre manière : « Me voici. »

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À propos James Woody

Pasteur de l'Église protestante unie de France à Montpellier et président d'Évangile et liberté, l'Association protestante libérale.

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